Vortex

Affiche Vortex
Réalisé par Gaspar Noé
Titre original Vortex
Pays de production France, Belgique
Année 2021
Durée
Genre Drame
Distributeur Xenix
Acteurs Alex Lutz, Françoise Lebrun, Dario Argento, Kylian Dheret, Corinne Bruand, Kamel Benchemekh
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 876

Critique

Gaspar Noé raconte les derniers temps de l’existence d’un couple âgé vivant dans un appartement parisien rempli de livres et de souvenirs. Lui a 82 ans (Dario Argento), c’est un ardent cinéphile, historien et théoricien du 7e art, et elle (Françoise Lebrun), psychanalyste de 78 ans à la retraite, souffre de la maladie d’Alzheimer. Un film souvent émouvant et très inattendu.

Vortex, titre du film, semble annoncer l’arrivée d’orages. Le spectateur va vivre dans une sorte de huis clos parfois perturbé et découvrir, ici ou là, un film un peu désespéré, comme si le cinéaste voulait nous rappeler que la vie est une courte fête et qu’elle sera vite oubliée. Connaissant Gaspar Noé on pouvait s’attendre à un film assez provocateur, avec des séquences rudes ou violentes, mais ce n’est pas du tout le cas, les deux personnages revenant souvent avec émotion à leur enfance.

Pour plus de précisions initiales donnons la parole à Gaspar Noé: «J’ai imaginé, dit-il, un film à la narration on ne peut plus simple, avec un personnage en état de décomposition mentale, perdant l’usage du langage, et avec un petit-fils qui, lui, ne le maîtrise pas encore. Comme les deux extrêmes de cette brève expérience qu’est la vie humaine. (…) Depuis ta naissance tu construis des systèmes de survie, des territoires bienveillants. Soudain ces cocons créés durant toute une vie te noient sous le poids de leurs souvenirs, sous le rétrécissement de l’espace. (…) J’ai envisagé quelque chose de très ‘documentaire’, sans dialogue pré-écrit, dans un décor unique aussi réaliste que possible.»

Gaspar Noé, âgé aujourd’hui de 57 ans, a connu des difficultés de santé en 2020: atteint d’une hémorragie cérébrale, il dit s’être interrogé sur sa propre finitude, sur celle de ses parents et amis (il venait par ailleurs d’en perdre plusieurs) et il précise que plusieurs séquences du film sont imprégnées de sa propre existence: «Je fais des films comme une séance de psychanalyse et transmets aux spectateurs mes traumas, mes peurs et mes angoisses».

La forme de Vortex est très originale. Noé dit ne pas avoir rédigé de scénario (15 pages à peine) et laissé les acteurs improviser et chercher au fond d’eux-mêmes comment exprimer non verbalement leurs sentiments. Et durant plus de deux heures, sans musique, les deux personnages principaux vont déambuler sans dire grand-chose, laissant l’affection (et l’amour, de temps à autre) triompher, et en acceptant aussi la fatalité.

Vortex est un film long (deux heures vingt) et qui paraît parfois insaisissable, cela d’autant plus qu’il fait appel au procédé technique original du «split screen»: durant tout le film l’écran est partagé en deux, ce qui permet d’offrir parallèlement deux options visuelles pour une même scène, ou d’assister en même temps à deux moments différents du récit. Un tel procédé est original et intéressant: il combat un risque d’ennui et permet de présenter plusieurs points de vue en évitant le classique (et souvent lourd) champ-contrechamp. Le spectateur est véritablement amené à se concentrer et à vivre jusqu’au bout chaque moment de vie, dans le même huis clos que le couple du film.

Si l’atmosphère du film vire une ou deux fois au cauchemar et est parfois difficilement respirable, rien n’est gratuit: l’émotion surgit souvent lors de la description de la réalité (à l’état brut) des deux fins de vies, ou au moment où les deux univers deviennent quasiment inconciliables. Et cette émotion vient sans doute aussi du fait que le film tient presque du documentaire, la caméra sachant se faire - toujours et doublement - discrète. Dario Argento et Françoise Lebrun parlent peu ou pas, sauf dans les quelques scènes où intervient le troisième protagoniste (le fils, incarné par Alex Lutz), qui cherche à améliorer les derniers mois de l’existence de ses parents. Des séquences ultimes que Gaspar Noé traite avec une extrême sensibilité et beaucoup d’émotion.

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 17