La Plateforme

Affiche La Plateforme
Réalisé par Galder Gaztelu-Urrutia
Titre original El hoyo
Pays de production Espagne
Année 2019
Durée
Musique Aránzazu Calleja
Genre Science fiction, Epouvante-horreur
Distributeur Netflix
Acteurs Ivan Massagué, Zorion Eguileor, Antonia San Juan, Alexandra Masangkay, Emilio Buale, Algis Arlauskas
Age légal 18 ans
Age suggéré 18 ans
N° cinéfeuilles 848
Bande annonce (Allociné)

Critique

Un épisode de Black Mirror à la sauce espagnole, arrosé d’un commentaire social bien gratiné et d’une violence des plus épicées: voilà la recette pour un film de science-fiction horrifique réussi!

Goreng (Iván Massagué) se réveille au niveau 48 d’une tour de béton dont les étages semblent infinis, accompagné d’un homme plus âgé, Trimagasi (Zorion Eguileor). Il se trouve dans «le trou», où il a accepté de se rendre pendant six mois en échange d’un diplôme, et dont le fonctionnement est simple, bien que cruel: chaque jour, une plateforme traverse la tour pour délivrer de la nourriture aux prisonniers, au nombre de deux par palier. Débordante de victuailles au premier niveau, elle se vide progressivement, laissant les occupants du fond affamés. Mais, pour rétablir une certaine justice, les duos changent d’étage chaque mois. Comment Goreng et Trimagasi vont-ils survivre aux étages inférieurs et à la faim des autres résidents?

Ne vous laissez pas tromper par le physique de l’acteur principal, Iván Massagué, et sa ressemblance troublante avec le comédien Arnaud Tsamere: ce film n’est en rien une blague. Ne lésinant ni sur le gore, ni sur l’aspect social de son propos, La Plateforme n’est pas toujours facile à regarder. Comme on pouvait s’y attendre, le manque de nourriture que subissent les occupants des niveaux inférieurs les pousse à la violence et au cannibalisme. On peut y voir un reflet du mécanisme des relations qui se développe dans notre société: lorsque les «colocataires» habitent un niveau élevé (comprenez: ils sont dans une bonne situation, n’ont pas de problème d’argent, par exemple) ils s’entendent bien, il n’y a pas de conflit. Mais lorsqu’après un mois, ils sont relocalisés et ont la malchance de tomber dans un étage défavorisé, alors la situation dégénère et l’hostilité s’installe: la loi du plus fort l’emporte, c’est chacun pour soi (comme un ami peut nous laisser tomber lorsqu’on est dans le besoin). L’homme est un loup pour l’homme, et l’un n’hésitera pas à littéralement dévorer l’autre si cela peut servir ses intérêts.

Il est également intéressant de voir quel type d’objet les prisonniers ont décidé d’emmener avec eux, chacun en ayant droit à un. Certains, comme Goreng, ont choisi des objets artistiques, décoratifs ou de divertissement et donc inutiles dans ce contexte, tandis que d’autres ont pris des armes ou d’autres éléments pouvant assurer un but pratique dans cet environnement dangereux. Cela symbolise la distinction entre les idéalistes et les réalistes, et même, d’un point de vue politique, entre la gauche et la droite. Car bien sûr, la segmentation de l’espace en paliers fait écho à la séparation des classes sociales et au concept de hiérarchie, comme Le Transperceneige l’avait fait auparavant (mais à l’horizontale et non à la verticale) avec la division de son train dont les wagons de tête abritaient l’aristocratie et ceux de fin de convoi, les pauvres. La grande différence étant qu’ici, tous les occupants de la tour se voient réassigner aléatoirement un nouveau niveau chaque mois, montrant la fragilité du système social où on peut passer du haut au bas de l’échelle en un claquement de doigts.

Comme le fait remarquer l’un des personnages, la seule manière de s’en sortir est de se montrer solidaire et de prendre uniquement ce dont on a besoin, car théoriquement, la plateforme devrait au départ contenir assez de nourriture pour tout le monde. Mais cette solution est dure à faire avaler aux résidents des niveaux supérieurs, même s’ils ont également connu la faim lorsqu’ils étaient à un palier plus bas et devraient donc compatir. Ainsi que l’expose un prisonnier du niveau 7: il est maintenant bien placé et a donc gagné son droit de se goinfrer. La monstrueuse capacité des individus à oublier ceux qui les entourent et à ne voir que leur propre situation, à se servir égoïstement de leurs traumatismes pour écraser ceux qui vivent les mêmes épreuves, c’est ce que dénonce La Plateforme. On en ressort glacé et un peu honteux en imaginant ce que l’on ferait à la place de Goreng. Mais on en reprendrait bien une petite tranche.

Amandine Gachnang

Appréciations

Nom Notes
Amandine Gachnang 16