Derniers jours à La Havane

Affiche Derniers jours à La Havane
Réalisé par Fernando Pérez
Titre original ÚLTIMOS DÍAS EN LA HABANA
Pays de production CUBA
Année 2016
Durée
Musique Sheyla Pool
Genre omédie dramatique
Distributeur Trigon
Acteurs Patricio Wood, Gabriela Ramos, Jorge Martínez
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 846

Critique

La pandémie de Covid-19 bouleverse le cinéma. Elle peut aussi susciter une autre façon de comprendre un film. Le magnifique Derniers jours à La Havane, de Fernando Pérez, en est un exemple précieux.

Le vocabulaire de cette année de pandémie est dominé par quelques termes. Confinement, privation de liberté sont dans toutes les conversations. Malgré son absence sur les écrans, le cinéma est là, qui délivre des plus pénibles contraintes. Ainsi, renouer avec d’anciens films provoque parfois des surprises. Derniers jours à La Havane, par exemple, se revoit dans un autre état d’esprit: le propos du film ne serait-il pas celui de la claustration? Quand le réalisateur a tourné ce petit bijou sorti en 2016, il ne pouvait pas prévoir les difficultés qui attendaient l’humanité à cause d’un virus. Lui se penchait avec une formidable tendresse sur la misère de son pays, Cuba, plus particulièrement sur celle de deux hommes aussi dissemblables que possible, cependant liés par une amitié indéfectible.

Ces amis sont Diego (Jorge Martínez) et Miguel (Patricio Wood). On ne sait pas d’emblée ce qui les unit, mais leur situation est claire. Diego est sévèrement atteint par le sida, cloué dans son lit depuis des mois. Miguel gagne difficilement leur vie comme plongeur dans un restaurant populaire. Le premier n’a pas d’avenir, il affiche pourtant un optimisme inaltérable en s’accrochant aux petites joies quotidiennes, claironnant sans embarras son homosexualité. Le deuxième, au contraire, est totalement éteint; il vit figé dans sa routine, comme un somnambule dont il ne faut jamais déranger les habitudes. Sa seule étoile est l’attente d’un permis d’émigrer pour les Etats-Unis. Diego aussi est suspendu à cette lettre, car qui s’occupera de lui si son ami s’en va?

Pourquoi rappeler cette histoire maintenant? Déjà pour les vertus qui l’ont fait remarquer lors de sa sortie (voir CF n. 780, pp. 9-10). Sa force se situe dans la qualité d’une mise en scène qui offre au public une relation très forte à un ensemble de personnes représentatives de la société cubaine. Dans ses images aussi, témoins objectifs d’une vie cruelle avec laquelle on tente de composer. Et surtout, dans le sens psychologique de Fernando Pérez, son art de construire des personnages solides, nuancés, au caractère complexe, des personnages réels. Le réalisateur observe Cuba depuis toujours, mais vu d’aujourd’hui, le portrait qu’il en tire pourrait s’affirmer, malgré lui, comme une métaphore de la pandémie.

Car le «confinement» est partout dans ce film épatant. Cuba est une île, par définition on n’en sort pas. Encore moins quand les dictatures se marient si bien pour l’en empêcher: politique et pauvreté coupent court à toute velléité de voyage. Par ailleurs, comment ouvrir son esprit quand la misère oblige à trimer pour pouvoir manger? La saleté, le délabrement des immeubles tuent l’esthétique. D’une porte à l’autre, les disputes, le manque de tout accablent le moindre sursaut de fantaisie. Et les personnages? L’attente a transformé Miguel en automate, tandis que Diego n’a que son lit pour horizon. La claustration est totale dans cette vie cubaine…

Qu’en fait le réalisateur? Qu’en font ses personnages? Un trésor d’arrangements de toutes sortes, d’insouciances pas toujours très morales mais qui traduisent autant de sursauts de vie, de la compassion juste ce qu’il faut pour signifier la sympathie sans mièvrerie… Le héraut de ce climat de joyeuse résistance est naturellement Diego, le plus confiné de tous, le plus sans espoir des sans espoir, si tenu par la mort et si amoureux de la vie, si ficelé par la maladie, par la douleur et si plein de malice. Certes, pas dépourvu de cynisme, c’est indispensable pour tenir tête à un milieu aussi sordide. Diego est la figure du vrai séquestré, mais pourtant d’une indépendance folle parce qu’il a su rester libre dans sa tête. Diego parvient à rire de tout, en dépit de tout, plus fort que l’amertume. Il nous dit que quel que soit l’emprisonnement du corps, l’esprit reste souverain. On lui en sait gré!

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15