Human Flow

Affiche Human Flow
Réalisé par Ai Weiwei
Titre original Human Flow
Pays de production Allemagne
Année 2017
Durée
Musique Karsten Fundal
Genre Documentaire
Distributeur Elite
Acteurs Boris Cheshirkov, Marin Din Kajdomcaj, Abeer Khalid, Rania Khaleel Awad Al-Mutamid, Rafik Ismail, Rami Abu Sondos
N° cinéfeuilles 786
Bande annonce (Allociné)

Critique

«L'art doit se mêler des débats éthiques, philosophiques et intellectuels. Quand on se dit soi-même artiste, c'est une responsabilité qui nous incombe. » Ainsi s’exprime l’artiste multiforme Ai Weiwei, dont l’étonnante exposition à Lausanne a conduit récemment ses visiteurs dans nombre de salles oubliées du Palais de Rumine. Son film procède du même mouvement: faire voir plus loin, découvrir et déplacer.

Les flux migratoires ne cessent d’augmenter. Plus de 65 millions de personnes ont dû quitter leur pays en raison de la famine, de la guerre ou des changements climatiques. La situation, chacun croit la connaître : embarcations surpeuplées interceptées en Méditerranée, interminables files humaines tentant de passer une frontière, camps de réfugiés à perte de vue... Encore est-ce à vérifier et à faire ressentir pour que l’émotion parfois suscitée soit moins buée que mise en mouvement.
Tourné sur une année dans 23 pays, ce documentaire s'attache à plusieurs trajectoires d'hommes et de femmes en souffrance partout dans le monde – de l'Afghanistan au Bangladesh, de la France à la Grèce, de l'Allemagne à l'Irak, de l’Israël à l'Italie, du Kenya au Mexique en passant par la Turquie. Et quel que soit son âge, son genre, sa provenance, l’artiste donne un visage, une voix à celui ou celle contraint(e) de prendre la route en espérant revenir, un jour.
Ce faisant, l’artiste chinois, très effacé dans son film, restaure une humanité que trop de chiffres, d’abstractions et d’évaluations économiques effacent.
Au-delà des prises de vue qui rappellent autant celles d’Arthus Bertrand que de Raymond Depardon, Ai Weiwei insiste sur la dignité de ces hommes, femmes et enfants en marche inlassable et, s’il tend son micro à quelques figures (politiques), c’est pour souligner qu’il serait temps de découvrir, comme l’énonçait le secrétaire général de l’OCDE, José Ángel Gurría, en février 2016, que « les pays bénéficieraient davantage de l’immigration s’ils considéraient les migrants comme une ressource plutôt que comme un problème, et les politiques d’intégration comme un investissement».
Mais le défi ne touche pas que l’Europe. Il est d’ailleurs moins celui d’un pays en particulier que désormais celui de l’humanité tout entière. C’est un fait, le monde se rétrécit, aussi, plus encore qu’hier, va-t-il falloir apprendre à vivre ensemble. Et les enjeux sont de taille lorsque xénophobie, racisme et perte d’humanité menacent la «vieille» Europe créatrice de droit du réfugié et incitent bien des Etats au repli identitaire. D’ailleurs, lorsque l’artiste montre les efforts et les soins déployés pour permettre le retour à la vie sauvage d’un tigre parvenu à Gaza au travers des tunnels (!), ne suggère-t-il pas que cet animal magnifique a bénéficié d’un mouvement transnational qui manque désespérément à des millions de femmes?
En épitaphe de ce très long parcours dans la condition humaine, quelques vers - après d’autres voix subtilement intercalées (Nazim Hikmet, Adonis…) - du poète syrien Nizar Qabbani (1923-1988): «Nos cris sont plus forts que nos actes / Nos épées sont plus grandes que nous / Telle est notre tragédie.»
Ai Weiwei ne prononce pas un jugement, il ne culpabilise pas, il ne propose pas de solutions, ce n’est pas son rôle: il voit et fait voir. Après la fiction de Moussa Touré, La Pirogue (2012), et le documentaire de Gianfranco Rosi,  Fuocoammare, par-delà Lampedusa (2016), Ai Weiwei offre un film d’artiste, incapable de rester insensible devant ce qui se joue, désireux, probablement, que personne ne puisse dire qu’il ne savait pas, que s’il avait su

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 16