Le Petit Entretien : Romed Wyder

Le 04 mai 2022

Romed Wyder est réalisateur, producteur et scénariste. En 1995, il obtient son diplôme de la section cinéma de la Haute École d’Art et de Design (HEAD) à Genève. Il est cofondateur du Cinéma Spoutnik et du collectif Laïka Films. En 2003, il lance sa propre société de productions Paradigma Films avec laquelle il produit tous ses films. Dans son dernier long-métrage Une histoire provisoire, co-écrit avec la scénariste Nasim Ahmadpour (Fish & Cat, Careless Crime), Wyder nous livre un huis-clos entre trois quarantenaires qui ne pourraient être plus différents les uns des autres : Marjan, femme iranienne en pleine crise conjugale ; Sacha, publicitaire genevois en crise de conscience ; et Mina, une américaine pétulante. Au fil du film, les personnages apprendront à dépasser leurs appréhensions respectives, et à aller à la découverte de l’autre.


Romed, comment est née cette histoire ?

À la base, j’avais envie de raconter une histoire où deux personnes de cultures différentes et peu compatibles seraient forcées de cohabiter : arriveraient-ils à dépasser leurs préjugés et aller au-delà de l’Inconnu dans l’Autre. Je voulais que Sacha, cet homme laïc, soit confronté à une femme qui semble musulmane…mais qui ne l’est en vérité pas. J’ai commencé à écrire l’histoire tout seul et je me suis rendu compte que j’avais besoin d’un regard extérieur et plus connaisseur que le mien, car je voyais bien que moi-même j’étais pétri de préjugés sur la culture iranienne. J’avais donc besoin d’un regard issu de cette culture, un regard qui serait également féminin. J’ai donc envoyé le scénario à Nasim Ahmadpour et nous avons retravaillé le projet. Je m’étais imaginé un tas de choses fausses !


C’est-à-dire ?

Par exemple, Nasim m’a expliqué que cela est impossible pour une femme croyante de vivre avec un inconnu. C’est donc elle qui m’a dit qu’il fallait que le personnage de Marjan ne soit pas croyante et que son voile ne soit qu’un ressort narratif – en l’occurrence, pour faire croire à Sacha qu’elle est croyante et ainsi, éviter ses avances. De plus, le scénario de base était plus dramatique : la femme était enceinte, elle travaillait à Genève…et puis Nasim a dit non : concentrons-nous sur les toutes petites choses qui se passent dans cet appartement. C’est le côté très iranien de son écriture : pas de grandes tournures dramaturgiques, des événements qui se perçoivent dans les détails. Là où Nasim est très forte, c’est qu’elle amène des petits détails qui montrent des choses importantes. Par exemple, les regards, la manière dont les acteurs haussent les sourcils, tournent la tête, etc. permettent au spectateur de saisir ce qui se passe entre les personnages.


L’appartement joue également un rôle très important.

Ce qui m’intéresse aussi dans mon travail, c’est le problème du chez-soi. Passés la quarantaine, on n’a plus l’habitude de vivre avec des inconnus en collocation. Du coup, on retrouve cette esquive propre à la jeunesse. Finalement, la collocation nous rajeunit. Et cela amène de la légèreté dans le scénario, cette confrontation à l’autre dans un même espace.

De plus, comme c’est l’appartement des grands-parents de Sacha, il est sensé que la décoration soit celle des années 1960. Du reste, nous avons créé cet appartement de rien, il n’existait pas auparavant. S’il y a quelques éléments modernes, comme la télévision et les lampes, c’est parce que ce sont les objets à remplacer avec le temps. D’ailleurs la cuisine ouverte est une idée moderne, car dans les années 1960, la cuisine était toujours fermée ! L’appartement qu’on a trouvé allait être rénové donc on a eu le droit de tout changer. Cette ouverture entre le salon et la cuisine, on l’a fait, ainsi que ce passe-plat totalement absurde !


Propos recueillis par Anthony Bekirov

 

Sortie en salles romandes : le 11 mai

 

Le site du film : https://unehistoireprovisoire.com/