Les manuscrits ne brûlent pas

Affiche Les manuscrits ne brûlent pas
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Titre original Dast-Neveshtehaa Nemisoosam
Pays de production Iran
Année 2013
Durée
Genre Film politique
Distributeur xnix
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 700

Critique

Prix de la Critique internationale  au Festival de Cannes 2013(Fipresci)

Un écrivain, surveillé par le régime iranien, a achevé un manuscrit relatif à la tentative d’élimination des écrivains de son pays et en a confié une copie à deux de ses collègues. Mais la police n’entend pas voir ce texte publié: original et copies doivent être saisis, et l’auteur et ses amis éliminés. Tournée partiellement en Iran, cette réalisation est importante, car d’une part elle rappelle le prix de la liberté d’expression et le courage de ceux qui désirent témoigner malgré tout et, d’autre part, elle souligne à quelles extrémités – jusqu’à devenir tueurs à gages – sont réduits des individus qui tiennent simplement à pouvoir assumer leurs charges de famille. Interprété par des acteurs non professionnels, ce film a tous les accents d’une vérité qui n’est pas bonne à dire, mais qui doit être dite. Construit comme un thriller, à partir d’un long flash-back, il est éprouvant, mais tellement nécessaire, pour que le mot démocratie ne soit pas dépourvu de sens en Iran comme en d’autres lieux où des écrivains écrivent avec leur sang.

Serge Molla



Ce film appartient à une catégorie difficile pour le critique parce qu’il le plonge dans la contradiction. D’une part, il traite d’une cause grave, à laquelle il veut responsabiliser autant de spectateurs que possible. D’autre part, malgré son engagement, il n’atteint pas le niveau artistique qu’on pourrait en attendre. Faudrait-il en dire qu’il existe une raison d’aller le voir et une raison d’y renoncer?

A l’instar de toutes les dictatures, l’Iran rejette ses intellectuels – l’art et le savoir sont des éléments perturbateurs. Dans les années nonante, une vingtaine d’écrivains se rendaient en bus en Arménie pour une manifestation culturelle. Un accident étrange, survenu dans les montagnes, les a alertés. Tout portait à croire que le régime profitait de la situation pour les éliminer d’un coup. Reprenant ce fait réel, Mohammad Rasoulof met en scène deux hommes qui traquent ces intellectuels soupçonnés de relater «l’accident» dans leurs manuscrits, révélant du même coup le difficile quotidien des hommes de main du gouvernement.

Le film a été tourné en Allemagne et – clandestinement - en Iran. Comédiens et techniciens sont des amateurs pour la plupart; tous ceux qui apparaissent à l’écran vivraient actuellement à l’extérieur du pays, selon le réalisateur qui a fait de la prison et sait de quoi il parle. L’histoire est forte, on le comprend. Comme on comprend les risques encourus et le courage de chacun. Comme on comprend encore le besoin de témoigner, d’alerter.

Il est d’autant plus difficile d’évoquer les défauts d’une telle œuvre. Trop longue à se mettre en place, elle peine à susciter l’intérêt par son manque de structure. Longtemps axée sur la misère des tueurs, celui dont l’enfant est malade en priorité, elle se concentre de plus en plus sur les écrivains: film social ou film politique? L’audace d’une attaque jetée au visage des mollahs est indéniable. Malheureusement, il y manque le génie artistique pour en faire un chef-d’œuvre, le non-dit, la suggestion, la métaphore, ces outils qui obligent le spectateur à s’engager lui aussi dans le propos.

«J'ai compris en tournant ce film que les conditions de réalisation l'emportaient sur ma volonté», a expliqué Mohammad Rasoulof dans une interview accordée au journal Le Monde. C’est dire que, malgré ses faiblesses, oui, il faut aller voir Les manuscrits ne brûlent pas, pour se rappeler la réalité iranienne et s’en solidariser.

Geneviève Praplan

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 14
Geneviève Praplan 12
Georges Blanc 15
Anne-Béatrice Schwab 16
Daniel Grivel 15