A propos d'Elly

Affiche A propos d'Elly
Réalisé par Asghar Farhadi
Pays de production Iran
Année 2009
Durée
Genre Drame
Distributeur trigonfilm
Acteurs Taraneh Alidoosti, Golshifteh Farahani, Shahab Hosseyni, Mani Haghighi, Saber Abbar
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 644
Bande annonce (Allociné)

Critique

Dans Une séparation, le cinéaste Asghar Farhadi évoquait avec beaucoup de maîtrise les conflits latents à l’intérieur de la société iranienne, les rapports entre les hommes et les femmes, ainsi que la difficile approche de toute vérité. Avec A propos d'Elly, réalisé peu auparavant, on découvre la même problématique, la même intelligence du récit et le même talent.

A propos d'Elly (Ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin en 2010), tourné bien avant la contestation anti-Ahmadinejad, commence comme une comédie légère. Une bande de copains part en week-end dans de jolies voitures: ils font tous les fous, ça rigole, ils quittent Téhéran avec leurs petits enfants pour les rives de la mer Caspienne. Ils ont passé la trentaine, ce sont d’anciens amis d’université, de la classe moyenne, à demi occidentalisés. Il y a là trois couples et Ahmad, un célibataire, installé en Allemagne mais de retour en Iran pour un bref séjour. Sepideh, une des femmes, aimerait bien caser Ahmad avec une invitée surprise, Elly… L’ambiance est à la rigolade et, après quelques péripéties, on s’installe dans une villa un peu délabrée. C’est la pagaille, mais tout va bien.

Et brusquement le ton change… Tandis que chacun s’interroge sur l’identité et le destin d’Elly, un événement va venir bouleverser la vie du groupe, et Elly disparaît. L’harmonie se lézarde, les rapports entre mari et femme, entre les couples, les comportements, les amitiés, tout se modifie. Tout au long des recherches entreprises par les protagonistes, les personnalités vont apparaître sous un jour nouveau. On découvre les non-dits et les demi-vérités, les contradictions et les mensonges, le poids des traditions aussi. La tension se fait de plus en plus lourde, le film de plus en plus troublant, dès l’instant où les incidents (dramatiques) font voler le groupe en éclats. La deuxième partie du film obligera chacun des participants à se dévoiler, dès lors que tous s’efforcent d’élucider un mystère qui s’épaissit.

Au sein du groupe, une figure dominante se dégage assez vite, celle de Sepideh. C’est elle qui a invité Elly, c’est elle qui a mal négocié la réservation des logements au bord de la mer. On découvre qu’elle a manifestement une certaine influence sur son entourage, sur les hommes qui sont là, mais les événements feront d’elle une victime idéale et la responsable de ce qui arrive.

Le cinéaste iranien Asghar Farhadi filme ses personnages à la distance idéale, avec une précision et une élégance de tous les instants. Dans le huis clos de la villa où s’est installée la petite équipe, le réalisateur suit les pas de chacun, prend acte de chaque geste, de chaque mot, s’efforçant de coller au plus près de l’intimité des protagonistes. Les dialogues sont ciselés, les séquences s’enchaînent avec fluidité, la description psychologique est subtile, minutieuse, alors même que les personnages vont constamment se métamorphoser. Et tout s’inscrit sur l’écran avec un naturel parfait.

L’enquête que les sept personnages mèneront sur l’identité d’Elly (qui est-elle au juste? quelles sont ses motivations?) forcera chacun à se confronter aux difficultés de la recherche d’une vérité que personne ne maîtrise (thème repris une année plus tard dans Une séparation - CF 639). A propos d'Elly se présente comme un drame choral où apparaissent les règles du jeu d’une société, les conventions (et les lois?) qui régissent la vie amoureuse et familiale, le conformisme de la pensée, le désir d’émancipation, quelques images sans doute d’un Iran actuel, entre tradition et modernité.

Dans le cadre de cette histoire simple - mais qui a une résonance tout universelle -, on passe de la comédie à la tragédie. L’atmosphère se fait de plus en plus angoissante, mais la qualité de la réalisation est telle que l’attention ne faiblit pas: caméra et bande-son (voir la dernière image!) maîtrisées, tension dramatique où l’on sent l’influence du théâtre (Asghar Farhadi y a fait ses débuts), acteurs exceptionnels, émotion retenue, tout fait de ce film - qui prend parfois des allures de thriller psychologique - une belle réussite.

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 18
Georges Blanc 18
Daniel Grivel 18
Serge Molla 18