Still Walking

Affiche Still Walking
Réalisé par Hirokazu Kore-eda
Pays de production Japon
Année 2008
Durée
Genre Drame
Distributeur Pyramide Distribution
Acteurs Yui Natsukawa, You, Hiroshi Abe, Yoshio Harada, Kirin Kiki
Age légal 7 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 590
Bande annonce (Allociné)

Critique

Sans cris et sans fracas, la petite musique de STILL WALKING s’insinue durablement dans le cœur et l’esprit comme un murmure apaisant. Les petites notes qu’elle égrène composent une mélodie douce-amère qui sonne juste et sans artifice.

Le fils aîné de la famille Yokoyama est mort il y a quinze ans en sauvant un enfant de la noyade. Depuis cet événement tragique, chaque année à pareille époque, la famille se réunit dans la maison familiale pour honorer la mémoire de ce fils et frère disparu.

Sans action spectaculaire, sans drame, sans explosion et sans éclat, la journée entière se déroule devant nos yeux, 24 heures de retrouvailles et de rituels. Le rythme insufflé par Kore-eda, lent mais jamais ennuyeux, est marqué par les repas et leur préparation, les allées et venues, les déplacements, les portes ouvertes et fermées, les salutations, les cérémonies… Et pourtant, sous les silences, les non-dits, les phrases inachevées, les dialogues ébauchés, les réminiscences douloureuses, les chagrins perceptibles, les esquisses de communication et les bavardages, il y a tant à penser, à dire, à rêver.

Certains silences parlent et hurlent, le langage formulé peut signifier autre chose ou son contraire. Ce cinéma de la suggestion n’assène jamais les faits avec leur interprétation immédiate; il nous offre des existences entières à sentir, à imaginer, à partager. L’histoire de cette famille japonaise devient notre histoire et touche à l’universel: attentes, ambitions, déceptions, ressentiments, chagrins, douleurs secrètes, instants de bonheur…

STILL WALKING n’est pas un film triste: en évoquant la mort, il déborde de vie et les moments d’humour ne sont pas rares. «Comme un tableau, ce film mérite d’être regardé dans les coins, et c’est une foule de détails et de sublimes petits coups de pinceaux qu’on peut alors découvrir pour le plus grand plaisir des yeux et de l’esprit.» (Martial Knaebel)

Le réalisateur s’est directement inspiré de la personnalité de ses parents, de leur perte et des regrets qu’il a ensuite éprouvés pour tout ce qu’il avait manqué de dire ou faire avec eux. Plutôt que de décrire comment ses parents avaient pris le chemin de la mort, il a choisi avec ce film de saisir un instant de vie pour y placer toutes les ambiguïtés de la mémoire familiale.

A travers les petits riens et les moindres gestes de ses personnages «ordinaires», il donne ainsi à percevoir les relations entretenues par les vivants avec les disparus. Présente, mais gardée à distance, passage obligé dédramatisé, la mort n’empêche pas de continuer à vivre le quotidien et à éprouver des instants de bonheur. Le temps passe, agit et cicatrise les plaies.

Parmi tant de sorties cinématographiques bruyantes et agitées, il est bienfaisant de partager avec la famille Yokoyama cette journée particulière et de tendre l’oreille à cette mélodie-là qui touche au cœur.

Anne-Béatrice Schwab