Slumdog Millionaire

Affiche Slumdog Millionaire
Réalisé par Danny Boyle
Pays de production U.S.A., Grande-Bretagne
Année 2008
Durée
Musique A.R. Rahman
Genre Comédie dramatique, Comédie, Romance
Distributeur Pathé Distribution
Acteurs Dev Patel, Freida Pinto, Mia Drake, Anil Kapoor, Madhur Mittal
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 582
Bande annonce (Allociné)

Critique

Jouez, le temps d’un film, à «Qui veut gagner des millions?»! Ce qui est à gagner, et qu’offre astucieusement cette réalisation enlevée, c’est le portrait d’une Inde aux incroyables contrastes à travers les étonnantes péripéties d’un looser qui ne s’en laisse pas conter.

A Bombay, le suspense est à son comble dans le cadre de l’émission «Qui veut gagner des millions?» (20 millions de roupies). Contre toute attente, vu ses origines modestes (les taudis de Mumbai), Jamal Malik (Dev Patel), 18 ans, est sur le point de remporter le pactole. Ultime question le lendemain! En attendant, il est au poste de police, arrêté, soupçonné et «cuisiné» pour fournir des explications sur son incroyable «sans fautes». Or le policier qui l’interroge doit progressivement se rendre à l’évidence: jusqu’ici Jamal n’a pas triché. Alors…

Alors se dévide un écheveau qui n’a rien à voir avec quelque apprentissage culturel, mais avec dix-huit ans d’une existence tissée d’émotions douloureuses que la mémoire de Jamal n’a pu effacer. Il ne bluffe pas - «C’est mon dernier mot», répète-t-il - sur certaines dates qui se sont fixées à tout jamais, n’hésite pas sur tel ou tel nom inscrit pour toujours, non parce qu’il les a appris, mais plutôt parce qu’il les a vécus. C’est-à-dire que par hasard - destin? - les questions aux réponses multiples qu’on lui soumet réveillent les petits faits et gestes qui ont marqué son enfance et son adolescence meurtries. Du coup, hormis dans le cadre de ce jeu (auquel il s’est inscrit pour une toute autre raison que l’argent), il aurait préféré ne pas s’en souvenir, c’est-à-dire ne pas être confronté à ce qui lui a laissé de profondes cicatrices. Mais son parcours d’orphelin, de «chien errant», souvent en compagnie de son frère Salim, ne lui a guère offert d’autre choix.

Aussi, Danny Boyle, à qui l’on doit notamment LA PLAGE (2000) et plus récemment SUNSHINE (2007), propose-t-il un film très réussi tant sur le plan du scénario, adaptation du roman indien de Vikas Swarup, que du montage. Alternant les phases de jeu télévisé et les «souvenirs» débouchant sur les réponses de Jamal, il crée le suspense. Mais il fait davantage, car les années passées revisitées en compagnie de Jamal et de son frère permettent au réalisateur de montrer l’Inde côté cour (des miracles). On n’évite pas certains lieux, parfois touristiques, mais on le fait au travers du regard du mendiant. Pauvreté et détresse sont au rendez-vous, mais y compris avec les trafics locaux abjects. Les couleurs foisonnent, mais la noirceur de certains nantis, prêts à toute sorte d’exploitation, n’en est que plus épaisse. Et si l’amour (de Latika) se glisse dans la trame narrative, c’est que Bollywood appartient aussi à l’Inde, tout autant que les problèmes interreligieux, qui eux non plus ne sont pas gommés.

Tout en étant une sorte de conte, ce film, rythmé et parfois d’une grande beauté, révèle bien des aspects que des documentaires n’ont pas toujours montrés. Habilement construit, il offre enfin une réflexion sur ce qui différencie prix et valeur.

Serge Molla