Genèse (La)

Affiche Genèse (La)
Réalisé par Cheick Oumar Sissoko
Pays de production France, Mali
Année 1998
Durée
Musique Michel Risse, Pierre Sauvageot
Genre Drame
Acteurs Sotigui Kouyate, Salif Keita, Moussa Keita, Fatoumata Diawara, Maïmouna Hélène Diarra
N° cinéfeuilles 373

Critique

"Le Malien Cheick Oumar Sissoko, qui a réalisé de nombreux films documentaires (PROBLEMATIQUE DE LA MALNUTRITION), sait par expérience qu'il est difficile de réaliser des films en Afrique. Même si les budgets que ces films requièrent sont faibles à côté des productions américaines, les sommes qu'ils nécessitent sont énormes quand l'on considère la plupart des économies des pays africains.

Aussi Cheick Oumar Sissoko se sent une responsabilité particulière, celle de consacrer son talent et l'argent qu'il peut réunir, non à réaliser des films anecdotiques, mais à exprimer des thèmes fondamentaux et à les ancrer dans les cultures africaines. C'est bien le propos de LA GENESE, qui figurait au programme de la section Un Certain Regard. C'était déjà le propos de son premier long métrage, NYAMANTON, LA LEÇON DES ORDURES, tourné en 1986.

Très largement inspiré des chapitres 23 à 37 de la Genèse, le film situe ce récit dans l'Afrique même, berceau de l'humanité. Les familles s'opposent, les clans s'entre-déchirent. Guerres fratricides, haines ethniques... ce lointain passé nous renvoie cruellement au présent. Les hommes n'ont jamais cessé de se haïr! Il faut l'intervention de Dieu pour que les patriarches se réconcilient et que leurs descendances marchent en paix.

Tourné dans de somptueux décors naturels du Sahel, le film au premier abord déroute. On n'a pas coutume de situer les récits bibliques au coeur de l'Afrique noire, ni d'entendre Esaü ou Jacob parler bambara. Pourtant au fur et à mesure des images, on est gagné par l'universalité du récit et par la manière dont il s'inscrit dans les gestes, les signes, et jusqu'au rythme même de la vie des peuples noirs. Au travers d'un texte fondateur, c'est à la même humanité que nous communions... à condition d'accepter de changer ses repères bibliques et de ne pas rechercher dans le film, qui est une réflexion sur la haine et la réconciliation des hommes, un exposé théologique. Dieu n'est pas absent de cette Genèse, mais le réalisateur nous avertit: ""La présence de Dieu - irreprésentable par essence - sera signalée par une foule d'enfants prononçant des phrases de miséricorde et de châtiment tirées de l'Ancien Testament, de l'Evangile et du Coran"". On ne s'étonnera pas de cette ouverture plurireligieuse de la part d'un cinéaste enraciné dans son pays, le Mali, où se rencontrent le christianisme et l'islam.

Paysages, costumes, cruauté des hommes et miséricorde de Dieu marquent ce film étonnant, exigeant pour les spectateurs. Il porte en lui l'Afrique, mais y échappe aussi, pour embrasser le destin de toute l'humanité."

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