Convoyeurs attendent (Les)

Affiche Convoyeurs attendent (Les)
Réalisé par Benoît Mariage
Pays de production Belgique
Année 1999
Durée
Musique Yves Sanna
Genre Comédie dramatique
Distributeur Mars Distribution
Acteurs Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Dominique Bayens, Morgane Simon, Jean-Francois Devigne
Age légal 12 ans
Age suggéré 15 ans
N° cinéfeuilles 373
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Il y a deux ans sortait dans les salles de cinéma LE SIGNALEUR, en effectuant un détour remarqué par Cannes, un court métrage de Benoît Mariage avec Benoît Poelvoorde. Le premier venait du reportage, tandis que le second, on ne le présente plus. Les deux B. reviennent en force avec ce long métrage en noir et blanc, fonctionnant sur le même ton qui mélange comédie ""noire"" à des moments d'émotion. Il plonge également dans la Belgique profonde où les concours de pigeons et les fêtes arrosées de village occupent une place importante dans les esprits, le tout agrémenté de l'accent et les expressions wallonnes.

Ce nouveau film, très apprécié par le public cannois, raconte l'histoire de Roger, reporter pour une gazette locale, qui veut faire quelque chose d'important dans sa vie avant l'an 2000. Il embrigade son fils à battre le record d'ouverture et fermeture de porte. A travers ce scénario tout simple, on sent que Mariage a réalisé des reportages pour l'émission Striptease, à tel point que l'impression de voir ses meilleurs moments émergent. C'est à la fois sa force et sa faiblesse. La vie et les sentiments de Monsieur Tout-le-Monde sont bien rendus, mais cela reste une succession de petites scènes de qualité inégale.

Mariage se déplace sur la mince frontière entre la satire et le portrait social de gens vivant dans un contexte socio-économique difficile. Cet aspect sert surtout de toile de fond à un humour décalé et misant sur l'absurdité de certaines situations. D'autres scènes, moins bonnes, se veulent plus profondes mais touchent par moment au mélodrame. Malgré ses défauts, LES CONVOYEURS ATTENDENT restent un bon film au ton particulier qui confirme la venue d'un nouveau talent du cinéma belge.



Ivan Corbisier, in Les Fiches belges





Excellente retombée du Festival de Cannes 1999 (Quinzaine des réalisateurs), ce film belge nous dépose en pays minier; un pays dont l'industrie en déclin plonge les habitants dans le chômage chronique, les petits boulots vacillants, et les loisirs forcés comblant médiocrement une attente sans fin.

Une famille: le père (Roger), la mère, le fils Michel, grand ado, et Louise, la fillette. Caractère raide et inflexible, imbu de sa propre justice, le père, colérique et paranoïde, cherche pourtant le moyen de forcer ce destin grisaille à la veille de notre troisième millénaire. Ce sera en établissant un nouveau record, n'importe lequel, à inscrire au Guiness Book. C'est Michel, le fils, qui devra établir, de gré ou de force, un nouveau ""record du passage de porte""...

Un cadre de porte dressé dans le jardin signifie le tragi-comique du film, l'arbitraire de la farouche volonté paternelle que ne compensent en rien l'effacement total de la mère (Dominique Baeyens) et les timidités des deux enfants (Jean-François Devigne et Morgane Simon). C'est ainsi l'histoire de la vaine prétention d'une tentative si visiblement fragile, et pourtant fondée dans la désespérance et la grisaille du lieu, la médiocrité qui étreint chacun, remarquablement rendue par le noir-et-blanc qui fut le choix raisonné du cinéaste et de ses amis acteurs. Il faut citer ici Benoît Poelvoorde (étincelant dans le rôle du père), ou le portrait breughélien du voisin Félix (Philippe Grand'Henry), colombophile mutique obstiné, pratiquement incapable d'aligner deux mots, ou, par contraste, la lourdeur rouée du soi-disant entraîneur (Bouli Lanners). La distribution comporte d'ailleurs autant d'acteurs amateurs que de professionnels, et le film, tout à l'éloge de la direction d'acteurs, est une réussite sans faille.

Dans l'interview rapportée au dossier de presse, on lit que ""le danger était de juger mes personnages et d'enfermer le spectateur dans un jugement unique. En l'occurrence, celui de condamner ce père. Tout le travail, notamment avec Benoît Poelvoorde, était de fournir à ce 'crétin' des circonstances atténuantes pour, au bout du compte, le trouver attachant. (...) L'absence de spiritualité au sens large caractérise le père comme le monde qui l'entoure. Comme cette porte dans le jardin, le monde tourne fou et avance sans réflexion...""

On ne peut pas rester insensible à tant d'équilibre et de goût. Et cette fable contemporaine, sous ses apparences linéaires, est une oeuvre de grande classe, justement récompensée par les jurys.



Daniel Grin"

Ancien membre