Fleurs d'Harrison (Les)

Affiche Fleurs d'Harrison (Les)

Critique

"A la fois épopée romanesque et démonstration de la barbarie des guerres d'ex-Yougoslavie, le film de Chouraqui est loin de convaincre. Les genres utilisés sont incompatibles.

Elie Chouraqui veut-il montrer l'indéfectible amour d'une épouse prête à tout pour retrouver son homme? Veut-il illustrer la frénésie du massacre qui a ravagé la Croatie avant d'autres états yougoslaves? Veut-il justifier le voyeurisme de la presse, toujours en avance d'une image horrible? Veut-il affirmer le décalage entre cette presse de guerre qui mitraille avec ses appareils photos et le convenu confortable de la consécration? Il y a de tout cela, le mélange est pénible.

Sarah (Andie MacDowell) a épousé Harrison (David Strathairn) un photographe talentueux. Ils sont beaux, s'aiment éperdument dans une maison splendide et regardent grandir deux enfants adorables. Harrison est grand reporter, mais il se sent usé. Sa dernière guerre sera celle de l'indépendance de la Croatie, en 1991. Peu de jours après son départ, sa mort est annoncée par les agences. Sarah n'y croit pas. S'il avait été tué, elle l'aurait senti, affirme-t-elle à son frère, avant de partir à sa recherche. Dès le départ, il semble impossible que Sarah ne retrouve pas Harrison. C'est la première étape, très romanesque, de ce long métrage.

Avec la deuxième, le décor change brutalement. Cette fois, c'est la guerre entre Serbes et Croates, et Chouraqui ne se prive pas de la faire flamber. Sarah qui trouve miraculeusement d'autres photographes de presse, Kyle (Adrien Brody) et Stevenson (Brendan Gleeson) comme coéquipiers, traverse toutes les horreurs pour atteindre son but. Les appareils photos crépitent au rythme des mitraillettes, et les photographes se justifient sans cesse: ""Si nous ne témoignons pas qui le fera?"" Qui le fera, en effet. Mais cet étalage, dans le luxe cinématographique de la reconstitution, est-il le meilleur moyen? Comment montrer la bestialité de l'être humain? Comment montrer l'ivresse de la guerre, le goût du pire, le voyeurisme?

Et surtout, comment faire admettre que nous portons tous ces horreurs en nous? Est-ce pour laisser le public se détendre que le réalisateur introduit des narrateurs et donc un décalage chronologique dans son récit? Est-ce pour l'accrocher envers et contre tout qu'il dérive vers le film de héros et le mélodrame sentimental. Malgré le jeu retenu d'Andie MacDowell qui porte ce film boiteux bien plus que son personnage, on ne peut y trouver une justification. Il est difficile d'accepter pareil calcul (à moins que ce ne soit de la candeur) quand, à quelques heures de train, tant de souffrances sont encore vives.

Avec NUIT ET BROUILLARD, Alain Resnais donne un exemple de ce qu'est la barbarie humaine, en l'occurrence le génocide nazi. Il n'y a là ni guimauve, ni romantisme, mais la réalité nue, à partir de laquelle on ne peut que réfléchir. Est-ce là ce qu'a voulu éviter Elie Chouraqui?"

Geneviève Praplan