Docteur T et les femmes

Une fois de plus Robert Altman trace un portrait de société avec un mélange détonant d'humour caustique et d'un sens d'observation particulièrement acéré. Décapant, mais jamais méchant.

Le Docteur Sullivan Travis (Richard Gere), gynécologue séduisant, connaît un succès fou auprès des dames de la bonne société de Dallas (Texas). Il est vrai qu'en plus de son charme naturel, il fait preuve de qualités humaines et professionnelles. Il ne sait plus où donner de la tête.

Il faut ajouter qu'il est un peu naïf et ne semble guère comprendre les raisons de son succès. Il se fait dévorer par toutes ces femmes qui envahissent son cabinet, à commencer par son assistante dont il ne perçoit pas un instant la passion qu'elle nourrit pour lui.

Mais un jour, brutalement, son existence rangée, sans histoire, dans le monde qu'il s'est fabriqué va se heurter aux réalités complexes de la vie. Il va découvrir très subitement que les femmes ne sont pas simplement des cas gynécologiques mais d'abord des êtres de passion et de sensibilité humaine.

Du jour au lendemain sa vie privée va se trouver bouleversée par une série d'événements qui lui ouvriront les yeux et feront éclater la bulle protectrice dans laquelle il vivait. Sa femme retombée en enfance est hospitalisée dans une clinique psychiatrique. Sa belle-soeur alcoolique et en instance de divorce déboule chez lui avec ses trois insupportables gamines. Sa fille en pleine cérémonie de son mariage s'enfuit avec une amie. Il croit trouver un peu d'équilibre en tombant amoureux d'une professeur de golf qui le repousse sans trop de ménagement.

Un ouragan comme le Sud en connaît en automne vient balayer très symboliquement la cérémonie de ce mariage raté et emporte le Dr Travis vers d'autres horizons, vers une autre vie débarrassée des artifices de l'existence mondaine et froufroutante des bourgeoises désoeuvrées de Dallas. On n'en dira pas plus car Robert Altman implore les critiques de ne pas révéler la fin du film qui ne manque pas d'être surprenante et qui donne tout son sens aux propos que tient là le cinéaste. La comédie légère s'est envolée avec l'ouragan pour faire place à une prise de conscience du sens de la vie. La dernière séquence du film n'est pas là pour faire une fin, mais pour donner du poids à l'oeuvre tout entière.

Il n'en demeure pas moins qu'Altman a dû s'amuser tout au long de cette réalisation, tout comme Richard Gere, excellent au demeurant, quasi seul homme au milieu des cinquante-neuf femmes du tournage. Le cinéaste doit envier secrètement les gynécologues, à la mesure de sa fascination pour les femmes. Ne déclare-t-il pas que ce film est "ma lettre d'amour aux femmes de Dallas". On peut se demander pourquoi pas à celles de New York ou de Seattle. Sans doute parce qu'il aime le Sud, sa chaleur, sa culture et ses excès. Les séquences d'ouverture avec leur ouragan de femmes laissent le spectateur lui-même aux prises avec une tornade. Merveilleuse entrée en matière - si on ose dire.





Robert Altman

Cet homme du Sud est né en 1925 à Kansas City. Il est un des plus grands réalisateurs de sa génération. Original, il n'a jamais laissé indifférent au travers d'une riche filmographie. On peut citer entre autres: MASH (1970), NASHVILLE (1975), TROIS FEMMES (1977), UN MARIAGE (1978), PRÊT-A-PORTER (1994), COOKIE'S FORTUNE (1998)."