Critique
"Forman, le grand cinéaste d'origine tchèque à la filmographie impressionnante (au total, 36 nominations aux Oscars), a déjà amplement montré qu'après les modestes moyens de ses débuts il savait aussi jouer en virtuose de la grosse artillerie hollywoodienne.
Après LARRY FLINT, pionnier de l'édition pornographique, il s'intéresse à un autre personnage également bien réel, Andy Kaufman (1949-1984), célèbre fantaisiste ayant défrayé les petits écrans et la chronique.
Andy Kaufman a été décrit comme un elfe nihiliste, un guérillero zen, un comédien dadaïste... Lui-même préférait se voir en homme de danse et de chanson. Né à New York, il a débuté comme comique et comme imitateur (ah! Elvis...) dans divers clubs plus ou moins ringards, mais c'est le thème de Mighty Mouse qui le met sur orbite; suivent un sitcom débridé et un épisode assez fou où, catcheur, il défie des femmes sur le ring. Un jour, il va jusqu'à interrompre une émission transmise en direct... Une forme rare de cancer du poumon met fin à une carrière météorique et à un style qui a inspiré plus d'un comédien, dont Robin Williams par exemple.
Grain de sable dans la mécanique parfaitement huilée des spectacles appréciés outre-Atlantique et des chorégraphies réglées au millimètre, Andy Kaufman est incarné par Jim Carrey, à qui sa performance a valu un Golden Globe mérité: autant il a pu se montrer horripilant et infatué dans de précédents films, autant il assume avec brio la figure du provocateur. Il excelle également dans un second rôle, celui d'une sorte de double balourd et raté, Tony Clifton, à côté duquel l'ineffable Ted Robert passerait pour Yves Montand... Quant à Danny De Vito, il est irrésistible en imprésario caricatural.
Le ton dominant du film de Forman est d'ailleurs celui de la caricature et de la bande dessinée à gros traits. Après un générique en noir et blanc minimaliste et assez hilarant, on suit tout ébaudi les phénomènes d'auto-allumage du ""show"" à l'américaine, les excès venant alimenter les excès, allant jusqu'à rendre la vedette pour ainsi dire immortelle, puisque nombreux sont ceux qui croient que Kaufman se survit en Clifton. Le pouvoir de l'argent, la versatilité du public, le cynisme des producteurs, le niveau de l'humour, tout cela laisse rêveur, c'est le moins qu'on puisse dire. Et Forman, qui nous a habitués à nous présenter des dentelles plus fines, s'emmêle parfois les doigts dans de grosses ficelles. Quoi qu'il en soit, un moins bon film de Forman ne peut être un mauvais film... Il nous offre le regard de Sirus sur une certaine culture qui, de plus en plus, envahit nos petits écrans.
Milos Forman
Milos Forman est né le 18 février 1932 à Caslav, petite ville de Bohème à soixante kilomètres de Prague. Il fut orphelin très jeune, ses parents ayant été déportés dans un camp de concentration. Il suivit une école de cinéma à Prague. Il est le réalisateur universellement admiré de VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOU (1975). Parmi ses autres longs métrages, citons L'AS DE PIQUE (1964), HAIR (1979), AMADEUS (1984), VALMONT (1989), LARRY FLINT (1996)."
Daniel Grivel
