Critique
"Les dernières aventures de Jack Ryan ne sont pas folichonnes. A deux doigts de faire éclater une guerre russo-états-unienne, elles débouchent sur le motif ""l'union fait la force"". Au service de qui?
Le romancier Tom Clancy a donné vie au ""héros"" Jack Ryan, peut-être pour succéder à un James Bond vieillissant. De ses romans de politique-fiction, le cinéma industriel a tourné successivement A LA POURSUITE D'OCTOBRE ROUGE, JEUX DE GUERRE et DANGER IMMEDIAT. En voici le quatrième épisode, avec un Jack Ryan renouvelé par la prise de rôle de Ben Affleck, comédien destiné à l'héroïsme, que l'on avait connu brillant pilote amoureux dans PEARL HARBOR. Cette dernière machine, son titre le dit, se réclame de l'épouvante. Elle a été tournée avant les attentats du 11 septembre et, selon son producteur qui l'affirme au journal Le Temps, aurait été tournée après aussi, ""sans hésiter"". Car pour Mace Neufeld, ""les tragédies réelles n'arrêtent pas subitement la soif de fiction du public. Si c'était le cas, nous ne fabriquerions que de gentils petits films. Et nous nous promènerions tranquillement, un sourire idiot au milieu du visage"".
On voudrait dire au producteur que s'il n'a pas ce sourire idiot, c'est bien parce qu'il semble tirer son penny de l'affaire. En bon représentant d'Hollywood, il n'a d'autre question à se poser que celle du bénéfice, c'est son travail. Pour le reste, il peut présenter son film comme il le veut. C'est au public de faire la part des choses. Et puisque celui-ci remplit les salles...
Pourtant, malgré les frayeurs annoncées par LA SOMME DE TOUTES LES PEURS, celui-ci est bien un ""gentil petit film"". La volonté de réalisme affichée par la production est sans cesse contrariée par une fiction grossière.
Trop, ou trop peu, ni réalité, ni fiction, le scénario passe par des séquences assez niaises pour détruire le suspense. Bien sûr, c'est un divertissement et il n'est pas dit que l'on ne se prenne pas au jeu. Mais on y mettrait bien plus de disponibilité si l'histoire ne sombrait trop souvent dans les stéréotypes du genre. Que ce soit dans le récit ou dans la mise en scène. Poignée de hauts fonctionnaires de l'administration qui déboulent au pas de charge dans des bureaux secrets, une ou deux femmes cadres pour faire bon poids, personnage anodin qui sait tout mais n'est pas pris au sérieux, néophyte candide qui aura le film pour révéler son génie, bluette ô combien indispensable pour faire diversion, quelques morts du bon côté aussi, et que le meilleur gagne!
A propos, qui est le meilleur dans cette histoire? Une bombe nucléaire perdue par Israël pendant la guerre du Kippour refait surface trente ans plus tard dans les mains d'un rejeton nazi. Elle servira de provocation pour que Russie et Etats-Unis s'affrontent en une guerre nucléaire. Enfin, presque, car Jack Ryan veille au grain. Et malgré la bombe atomique larguée sur Baltimore, le conflit mondial est désamorcé à temps. Non sans une somme, sinon de toutes les peurs, du moins de toutes les invraisemblances. La morale du film voit deux chefs d'état antagonistes se serrer la main dans un grand élan d'amitié. Les bons Etats-Unis ne triomphent plus de la méchante Russie mais s'allient avec elle. Ils ne sont d'ailleurs pas si innocents que ça, c'est une nouveauté. L'autre nouveauté fleure de douteuse façon l'après 11 septembre. La propagande habituelle sert le nouveau budget militaire de George Bush. Ensemble contre ""le mal"", rien n'est trop cher pour ça."
Geneviève Praplan