Respiro

Affiche Respiro
Réalisé par Emanuele Crialese
Pays de production Italie, France
Année 2002
Durée
Musique Andrea Guerra
Genre Drame
Distributeur Pan Européenne Edition
Acteurs Valeria Golino, Vincenzo Amato, Veronica D'Agostino, Francesco Casisa, Filippo Pucillo
N° cinéfeuilles 438
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Lampedusa est une petite île sicilienne. Des bandes d'adolescents se poursuivent et se battent sur les falaises, les hommes partent pêcher et les femmes travaillent à la conserverie de poissons. Grazia, jeune mère d'une adolescente et de deux garçons, cherche à rendre heureux son entourage, mais les villageois la considèrent comme folle parce qu'elle ne se plie pas toujours aux règles sociales de la communauté. Il lui arrive de disjoncter, comme on dit. Et Grazia aura bien du mal à résister à la très forte pression familiale et villageoise.

Inspirée d'une légende très connue dans l'île, l'histoire de Grazia doit être considérée comme une fable et jugée comme telle. On pourrait lui reprocher le flou qui s'installe dans la deuxième partie du film: si la présentation des personnages est pleine de finesse et de petites touches réalistes subtiles, le film emprunte vers la fin la forme d'un rêve (ou d'un cauchemar) maladroitement traité. Cette réserve faite, RESPIRO (deuxième film d'Emanuele Crialese) témoigne d'un métier solide, d'une excellente direction d'acteurs (le dernier garçon de la famille, bougon et déterminé, est parfait) et d'une maîtrise de l'espace assez remarquable: l'aridité de l'île saccagée par la construction anarchique d'immeubles bétonnés non achevés, la lumière aveuglante, la poussière omniprésente, la couleur éclatante des bateaux, des falaises et de la mer, tout est réussi. Le film a par ailleurs remporté le Prix de la Semaine de la critique.

Antoine Rochat


Ce n'est que le deuxième film du réalisateur italien. Il y fait preuve d'une excellente maîtrise technique et d'une sensibilité poétique rare.

RESPIRO est un de ces petits bijoux réalisés en plein soleil, avec une dimension poétique qui reste en bouche très longtemps après le mot ""Fin"". Dans cette belle catégorie, il rejoint MEDITERRANEO, ou IL POSTINO, comme lui tourné dans une Europe très méridionale, sous une lumière écrasante, que le réalisateur a volontairement ""un peu blanchie, parce que c'est la lumière du sud"". Ici, c'est Lampedusa, avec son sol de sable et de calcaire, son ciel d'un bleu uniforme et dur, sa mer vivante, vibrante, dans laquelle on se ressource. Dans cette petite île, les chantiers de bâtiments abandonnés parce que construits illégalement, rappellent que la Sicile et sa mafia sont proches. Les enfants sont terribles, joueurs, amoureux, cruels. La population, fruste, est fortement attachée à ses principes alors qu'on peut en toute ostentation défier la police. On y étouffe un peu. Mais pas totalement, car il souffle un air de liberté incroyable. Le rythme est donné par le soleil et la mer, sources de vie dans lesquelles on baigne tout le temps.

Emanuele Crialese travaillait aux Etats-Unis où il a réalisé ONCE WE WERE STRANGERS. De retour en Italie pour se reposer, il s'est installé à Lampedusa. ""J'ai senti tout de suite que c'était un endroit magique, qui me ramenait à mes souvenirs d'enfance. Je devais y passer trois semaines de vacances et j'y suis resté six mois. J'ai fait la connaissance de Filippo, l'un des enfants du film, qui m'a introduit dans la communauté des pêcheurs. J'ai commencé à écrire une histoire sur les gamins de l'île."" Le réalisateur s'est laissé porter par ce qu'il voyait et s'est retrouvé avec un scénario très sobre, chiche en dialogue, mais porteur d'un large pouvoir d'évocation.

Grazia (Valeria Golino) a trois enfants, Marinella, Pasquale et Filippo. Elle entretient avec ses enfants une relation très particulière, presque infantile, fortement sensuelle. Elle est très heureuse avec son mari Pietro (Vincenzo Amato), mais sa fantaisie, son indépendance déplaisent aux habitants du village. Qui sait si elle n'est pas un peu dérangée... Il est clair que malgré son bonheur, la jeune femme étouffe. On la voit s'embrouiller dans un filet de pêche, s'échapper en nageant dans la mer, en roulant sans fin étroitement embrassée à ses trois enfants sur leur petite Vespa. Ce sont d'ailleurs des images magnifiques que ces visages en plan rapprochés, leurs expressions mêlées d'anxiété et de bien-être.

Toute la beauté du film est là, dans cette ambivalence entre la mer comme liberté, poésie, imagination, sentiments heureux; la terre comme devoir, tensions provoquées par les regards désapprobateurs, norme à respecter. L'équilibre balance constamment, prend le public avec lui tantôt dans l'étouffement de Grazia, tantôt dans l'ivresse qu'elle ressent. A la fois conte et documentaire, l'histoire est simple et belle. Les acteurs sont les gens du pays, formidables, magnifiquement dirigés. Valeria Golino, seule comédienne confirmée, réussit un beau travail d'intégration.

Geneviève Praplan

Ancien membre