Bowling for Columbine

Affiche Bowling for Columbine
Réalisé par Michael Moore
Titre original Bowling for Columbine
Pays de production U.S.A., Canada
Année 2002
Durée
Musique Jeff Gibbs
Genre Documentaire
Distributeur pathefilms
Acteurs Matt Stone, Marilyn Manson, Michael Moore, Charlton Heston, Evan McCollum
Age légal 12 ans
Age suggéré 15 ans
N° cinéfeuilles 438
Bande annonce (Allociné)

Critique

Avec Bowling for Columbine Michael Moore s'inspire d'un fait divers réel: en 1999 deux adolescents massacrèrent douze de leurs camarades et un professeur avant de se suicider, à la Columbine High School de Littleton, dans le Colorado. Ils avaient pour habitude de fêter leurs bons coups par une partie de quilles... Le nouveau film du cinéaste américain est une critique cinglante, acerbe et dévastatrice de l'industrie de l'armement, de l'usage des armes et du droit constitutionnel qu'a tout citoyen américain d'en posséder. C'est aussi le portrait, désopilant et consternant à la fois, d'un pays au lendemain du 11 septembre. "Voilà mon point de vue sur la culture américaine de la violence, sur le climat de peur dans lequel nous vivons, et sur l'omniprésence des armes ici", souligne Michael Moore qui rappelle dans son dernier livre que les Etats-Unis connaissent le plus fort taux de meurtres par armes à feu au monde. Le nombre de revolvers en circulation y dépasse, paraît-il, celui des électeurs. Et des postes de télévision.

Pour traiter un pareil sujet, Michael Moore (déjà auteur de Roger et moi, 1989) a dû trouver un financement au... Canada. Son produit, il est vrai, est corrosif. Le cinéaste dérange. Il est le poil à gratter et l'élément perturbateur de l'Amérique d'aujourd'hui. Mike McCurry, le porte-parole de la Maison Blanche, déclarait récemment que Moore était un personnage dangereux (sic). Une raison supplémentaire pour aller voir ce très intéressant documentaire lorsqu'il sortira sur nos écrans.

Antoine Rochat


Plus de 11'000 Etats-Uniens sont tués chaque année. Pourquoi? Michael Moore répond à la question en signant un documentaire grave, caustique, sans concession. Son film est un chef-d'œuvre.

A Flint, Michigan, un petit garçon de six ans trouve une arme, l'amène à l'école et tue une fillette de son âge. En 1999, deux adolescents massacrent les lycéens de la Columbine High School, à Littleton, Colorado, avant de retourner leur arme contre eux: seize morts, des dizaines de blessés. La tragédie a donné son nom au film, les deux tueurs avaient l'habitude de s'offrir une partie de bowling pour fêter leurs exploits. Bowling for Columbine est un documentaire. Il a pourtant fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes 2002, ce n'était plus arrivé depuis 46 ans. Film sur les Etats-Unis, réalisé en grande partie aux Etats-Unis par un Etats-Unien, Michael Moore est né à Flint, il a été produit par le Canada. Et pour cause.

Partant des deux faits divers cités, le réalisateur pose un regard critique sur une nation écrasée par le poids des meurtres qui s'y commettent: plus de 11'000 chaque année. Les Etats-Unis courent après le bonheur comme n'importe quel autre pays, alors, pourquoi connaissent-ils de tels massacres. La question, Michael Moore se la pose. Il est états-unien, né dans la même ville que ce petit garçon meurtrier à six ans. "Sommes-nous un pays dingue des armes à feu... ou sommes-nous un pays de dingues tout court?" Les réponses l'amènent à de nouvelles questions. Il veut répondre à chacune, aller jusqu'au bout de l'analyse.

Le permis de port d'arme, la télévision omniprésente sur la violence, la pauvreté, le chômage, le racisme, ne trouve-t-on pas un peu de tout cela aussi dans les autres pays? Le réalisateur enquête au Canada. "Je montre dans mon film que les Canadiens ne ferment pas leur porte à clé. C'est un comportement opposé à celui des Etats-Unis où chacun s'enferme à double tour, pourquoi? Pourquoi y a-t-il proportionnellement moins de meurtres au Canada alors que sept foyers sur dix possèdent une arme?" L'enquête passe par une brève histoire des Etats-Unis et se risque à établir un lien entre l'augmentation de la violence et la succession des interventions militaires états-uniennes au cours des cinquante dernières années. Elle s'arrête devant Charlton Heston, grand défenseur des armes, qui a organisé des meetings à Littleton et à Flint juste après les drames. Elle suit le travail des télévisions, avides de sang. Elle montre le belliciste président Bush dans ses discours manichéens.

L'air de rien, corps d'obèse et casquette de base-ball, Michael Moore joue les bouffons pour additionner les constats les plus terrifiants avec une redoutable causticité. L'humour nourrit des séquences dures, les rend digestes, on les reçoit cinq sur cinq. Une mise en scène irréprochable joue sur la diversité des genres - dessin animé, films d'archives, interviewes - et fait qu'on reste accroché à l'image de bout en bout. On découvre la peur, elle est états-unienne et produit des ravages. Le réalisateur l'explique: Nous aimons avoir peur, nous sommes férus de films d'horreur, nous adorons Halloween. Je pense que ça remonte à un instinct primal. Nous avons besoin de garder cet instinct-là en nous. Mais il y a une différence. Avoir peur au cinéma, c'est une chose. Se faire manipuler par l'information, les reportages ou un président qui vous déclare qu'il existe un esprit diabolique prêt à tout instant à vous détruire, ça c'est complètement différent."

Le marché de la peur que montre Michael Moore est celui des Etats-Unis. Ne fleurit-il vraiment que là-bas?

Geneviève Praplan

Ancien membre