Réalisé par | Mehdi Sahebi |
Titre original | PRISONERS OF FATE |
Pays de production | Suisse |
Année | 2023 |
Durée | |
Genre | Documentaire |
Distributeur | cineworx |
Age légal | 14 ans |
Age suggéré | 14 ans |
N° cinéfeuilles | 926 |
Le réalisateur Mehdi Sahebi nous parle de migrations et de déracinement, et on sent bien qu’il sait de quoi il parle. Lui-même, dans les années 1980, a fui l’Iran pour s’établir en Suisse. Il donne la parole à plusieurs personnes qui tentent de s’adapter à leur (provisoire?) nouvelle vie dans notre pays. Un film centré non sur la politique ou le sociétal, mais sur l’humain, parfois touchant, mais restant trop souvent superficiel, ce qui occasionne quelques longueurs. Mais le titre du film est parfaitement trouvé.
Car si certains peuvent avoir une seconde chance dans la vie, d’autres semblent n’en avoir pas même une première. Le film nous fait connaître plusieurs réfugiés iraniens ou afghans, dont une famille ou un jeune homme seul, qui passent leur temps à espérer, soit un courrier favorable pour leur établissement, soit un hypothétique retour possible dans leur pays d’origine. Ce partage émotionnel entre les spectateurs et les protagonistes qui s’expriment à cœur ouvert avec un mélange d’espoir et de fatalisme, de peur et de courage, de tristesse et d’humour, a remporté plusieurs prix et nominations à Locarno ou à Soleure. Le cinéaste se garde bien de faire de la politique. Il ne prend aucun parti idéologique ou ne critique rien ni personne. Il nous montre simplement la vie quotidienne des êtres qu’il filme, ce qui est, durant tout le début, un très bon choix. Une mère en larmes parle à son fils resté au pays, des enfants expriment avec leurs mots ce qu’ils ont vécu et risqué lors d’un périple dangereux; au milieu d’un récit se dessine en une fraction de seconde un éclair de lumière ou une ombre sur le visage, qui disparaît aussitôt. Dans la situation dans laquelle se trouvent ces gens, les sentiments sont fugaces et très forts, chaque émotion est exacerbée, les petits bonheurs sont gigantesques et les petites déceptions abyssales. L’un des protagonistes confie attendre depuis cinq ans (!) une décision de l’état sur son sort et pleure de ne pas avoir le droit d’avoir un petit boulot afin d’aider sa vieille mère. Un autre raconte la peur quotidienne et irrationnelle ressentie, même pour simplement prendre le bus, cette peur ancestrale de la prison alors qu’il n’est nullement hors la loi. Ces moments sont très forts et souvent très énervants.
Malheureusement, à force de ne pas prendre parti, de rester en surface, le film finit par manquer d’un réel point de vue. Évoquer l’humain c’est très bien, mais le réalisateur aurait pu ne pas se contenter de ça quand même. L’attention finit par s’émousser avec des scènes trop longues et trop anodines où soudain, cependant, une phrase, une réflexion ou une citation claque. D’autres moments semblent trop réglés, presque trop «mis en scène» pour être spontanés comme ils devraient l’être dans un documentaire. Prisonniers du destin, sans doute, aura moins d’impact au cinéma qu’en étant projeté, en entier ou par extraits, lors d’une soirée thématique ou un débat à la télévision, où il permettrait de contrer les arguments de celles et ceux qui ne voient les migrants exclusivement que comme des profiteurs ou des délinquants. Dommage que le film manque de ce réel point de vue dont nous parlions, et qui lui donne cet aspect timoré, malgré des moments réussis. Et malgré la morale qui en ressort: ce sont l’humour et la fraternité qui nourrissent l’espérance.
Philippe Thonney
Nom | Notes |
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Philippe Thonney | 12 |