Valentina e i MUOStri

Affiche Valentina e i MUOStri
Réalisé par Francesca Scalisi
Pays de production Suisse, Italie
Année 2024
Durée
Musique Olga Kokcharova
Genre Documentaire
Distributeur Dok Mobile
Acteurs Valentina Terranova
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 926

Critique

Niscemi, Sicile, dans un paysage asséché, en feu, au pied d’une base militaire américaine installée au milieu d’une réserve naturelle à la barbe des écolos locaux, Valentina - 27 ans, toujours chez ses parents, sans travail - prend peu à peu sa vie en main.

«i MUOStri» du titre du film sont un jeu de mots en italien, entre les monstres (mostri) et l’acronyme de Mobile User Objective System (MUOS) identifiant les antennes de surveillance de l’armée des États-Unis, installée à Niscemi en Sicile dans une réserve naturelle malgré les protestations des ONG. Les MUOS et les monstres de son inconscient hantent l’existence de Valentina, la protagoniste du film. Elle vit au pied de la base, dont elle craint les effets négatifs des ondes électromagnétiques, dans la maison de ses parents. à 27 ans, elle n’a pas fait d’études, elle n’a pas de travail, elle passe ses journées à tricoter. Comme sa mère. Le père, invalide, cultive fleurs et plantes en pots.

Produit par Dok Mobile - une société basée à Givisiez dans le canton de Fribourg, fondée en 2012 par Francesca Scalisi et Mark Olexa -, ce long métrage a été présenté lors de la dernière édition de Visions du Réel de Nyon et a remporté le Prix spécial du Jury de la Compétition nationale 2024. On comprend pourquoi. Francesca Scalisi se mêle à la vie de famille. Mais invisible et muette, elle se tient hors cadre, en bordure de l’action qu’elle capte avec pudeur et empathie. Elle laisse les personnes/personnages se raconter, se parler, se montrer. Tantôt la réalisatrice les met en scène, tantôt elle semble les surprendre sur le vif. Elle en fait de même avec le paysage: une terre sous un soleil accablant et sous la coupe de l’Oncle Sam, une terre dont les entrailles prennent feu et se consument fatalement.

Imperméable aux facilités d’un genre, la fiction biographique (inventer une vraie vie) très à la mode, et aux antipodes de quelques monstres sacrés du documentaire (Michael Moore notamment) très présents à l’écran dans des postures souvent militantes, voire très offensives, Francesca Scalisi préfère faire corps avec son sujet dans une certaine intimité. Elle le laisse s’exprimer et s’épanouir à son rythme, sans que la durée du film s’étire inutilement. Preuve s’il en est des qualités à la fois narratives et stylistiques de Valentina e i MUOStri où se manifeste toute l’habileté de Francesca Scalisi, qui a également écrit le scénario. On accompagne Valentina, plutôt que la regarder à distance. Valentina qui apprend à conduire à la place du père désormais interdit de volant à cause de son cœur défaillant. Valentina qui renoue avec sa sœur enseignante, exemple de femme urbaine et émancipée. Valentina qui décide de faire un apprentissage d’aide cuisinière. Valentina qui participe aux manifestations contre la présence de la base américaine. Valentina qui entretient des liens très charnels avec la nature (les arbres surtout), et les lieux de son enfance. Valentina qui adore se baigner dans la piscine familiale. Valentina qui pleure pour un rien.

Doucement, on finit par s’attacher à cette figure à la fois forte et vulnérable qui parle d’une voix timide, mais qui trouve les ressources, le courage, pour tenter de s’affranchir de sa condition. De s’affranchir également de ses parents à la fois aimants et sévères (toujours prêts à la dévaloriser), de sa terre écrasante et, finalement, des MUOStri qui l’habitent et la tourmentent.

Marco Danesi

Appréciations

Nom Notes
Marco Danesi 14