Ingeborg Bachmann - D'un désert l'autre

Affiche Ingeborg Bachmann - D'un désert l'autre
Réalisé par Margarethe von Trotta
Titre original INGEBORG BACHMANN- REISE IN DIE WÜSTE
Pays de production Suisse, Autriche, Allemagne, Luxembourg
Année 2023
Durée
Genre Fiction, Drame
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Vicky Krieps, Ronald Zehrfeld, Luna Wedler, Tobias Resch, Marc Limpach, Basil Eidenbenz
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 926

Critique

Onze ans après Hannah Arendt, Margerethe von Trotta revient avec une nouvelle figure féminine qui a marqué la littérature germanophone de l’après-guerre d’une empreinte remarquable. Pourtant, par ses choix esthétiques et scénaristiques, la cinéaste allemande fige la poétesse et écrivaine autrichienne Ingeborg Bachmann dans une représentation trop lisse et bourgeoise. Vive déception. 

 Égypte, 1964. Sous le soleil ardent du désert, Ingeborg Bachmann (Vicky Krieps), accompagnée par le publiciste viennois Adolf Opel (Tobias Resch), s’efforce de s’affranchir des souffrances et de l’effondrement intérieur qu’elle ressent après sa rupture d’avec Max Frisch (Ronald Zehrfeld). Une relation tumultueuse qui débute le 3 juillet 1958 à Paris, lors de la représentation de la pièce de théâtre du dramaturge suisse, Biedermann und die Brandstiefer. Durant cinq ans, entre la jalousie de l’un, le besoin d’émancipation de l’autre, et une incompatibilité artistique, leur vie commune à Zurich et Rome devient destructrice. Dans le contexte social misogyne des années 1960, la notoriété et les caractères discordants de Bachmann et Frisch mettent à rude épreuve leur histoire passionnelle. Elle se finit brutalement en 1963. Pour Bachmann, c’est le début d’une grave dépression qui nécessitera notamment des hospitalisations.

Construit en deux parties narratives, la relation amoureuse et le voyage dans le désert, le film se déploie en divers va-et-vient géographiques (Égypte, Paris, Berlin, Zurich et Rome) et sauts temporels. En se focalisant sur le couple Bachmann-Frisch, il se distance formellement du biographique stricto sensu. Von Trotta – quoiqu’offrant dans une faible mesure quelques extraits littéraires et pensées – semble avoir délibérément fait abstraction de l’étendue artistique de l’auteure autrichienne. Pourtant, l’œuvre complexe de Bachmann n’a pas uniquement été modelée par ses amours tourmentées avec Frisch, mais aussi par Hans Weigel, Paul Celan ou Hans Werner Henze. Ses écrits reflètent également un passé familial culpabilisant et affligeant, des profonds questionnements philosophiques et sociétaux ainsi qu’une personnalité faite d’intensité émotionnelle, d’aspérités et de contradictions. Dès lors, l’énoncé métaphorique du titre, « D’un désert l’autre », aurait donc dû démontrer différents (non)lieux de douleur et de naufrage. Des espaces où l’écrivaine s’est sentie happée par le vide et de désirs de mort. Des déserts psychologiques qu’elle a traversés tout au long de sa courte existence, et pas uniquement avec Frisch. Or, von Trotta applique une mécanique de « polissage » tant esthétique que narratif qui aplanit tout relief saillant, et édulcore la part d’ombre et de lumière de la vie instable de Bachmann. Une mécanique qui offre par conséquent la représentation vernie d’une femme bourgeoise habillée de robes aux motifs floraux et de chandails pastel, fumant cigarette sur cigarette dans des lieux mondains et luxueux. Une femme entourée d’hommes qui, entre deux disputes avec l’écrivain suisse, entretient avec eux des rapports de séduction. Une femme qui assouvit également certains fantasmes érotiques en Égypte. Une scène « orientaliste » d’ailleurs particulièrement dérangeante par sa teneur colonialiste sous-jacente.

Hormis une saisissante scène annonciatrice de l’horrible décès de l’écrivaine, von Trotta nous présente une Bachmann plus fictive que réelle. Le film aurait peut-être gagné en profondeur si la cinéaste (et ancienne actrice de Rainer Werner Fassbinder) avait par exemple choisi de discuter de l’impact de Max Frisch sur Malina (1971) et celui d’Ingeborg Bachmann sur Mein Name sei Gantenbei (1964).

Kim Figuerola

Appréciations

Nom Notes
Kim Figuerola 13
Noémie Baume 16
Marvin Ancian 15