Réalisé par | Benoît Delhomme |
Pays de production | États-Unis |
Année | 2024 |
Durée | |
Musique | Anne Nikitin |
Genre | Thriller psychologique |
Distributeur | Elite Film |
Acteurs | Anne Hathaway, Anders Danielsen Lie, Jessica Chastain, Josh Charles, Caroline Lagerfelt |
Age légal | 16 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 926 |
Deux mères, deux enfants. L’un meurt par accident. Culpabilité, regrets, paranoïa, amour filial ; Mothers’ Instincts ausculte la maternité jusqu’à la folie et le sang.
Je n’ai pas lu Derrière la haine (2012) de Barbara Abel, romancière belge, ni vu Duelles (2018), film tout aussi belge tiré du livre. Impossible donc de comparer avec Mother’s Instinct, adaptation du livre à succès et transposition du long-métrage réalisé par Olivier Masset-Depasse, qui à sa sortie avait collectionné les récompenses dans son pays. Quoi qu’il en soit, voilà le remake hollywoodien, signé par Benoît Delhomme (qui fait ses débuts à la réalisation), d’un drame très bruxellois à l’origine. Remake que l’on doit en premier lieu à Jessica Chastain. Elle joue l’un des deux rôles principaux – celui d’Alice – et est également productrice, car « elle avait adoré Duelles et son caractère de thriller à la Hitchcock », raconte l’Écho, quotidien belge.
Fidèle au livre, l’histoire se déploie au début des années 1960. C’est l’Amérique des Kennedy : conquérante, sexy, qui veut la lune (à la barbe des Soviets, de la Guerre froide, du Vietnam). C’est l’Amérique de la classe moyenne : voitures carénées, grandes maisons en banlieue, maris au travail et femmes au foyer ; et tant pis si elles ont d’autres aspirations. Mais tout ça n’est que décor, garniture. L’important est ailleurs, le drame couve sous l’enchantement électroménager. Musique tendue, montage serré, actions découpées en tranches allusives. Le réalisateur connaît les classiques.
Entre Alice, blonde taillée à la Tippi Hedren dans les Oiseaux de Hitchcock, et Céline, brune très Jackie Kennedy, interprétée plastiquement par Anne Hathaway, l’intrigue se noue sans se défaire d’une inquiétude sourde. À raison. Céline a accouché péniblement de Max et souffre de ne plus pouvoir avoir d’autres enfants. Alice a mis au monde Théo quasi sans vouloir, et ne rêve que de reprendre son métier de journaliste. Les deux garçons, d’une dizaine d’années, vivent comme deux frères. Copie conforme en tout, les deux femmes diffèrent dans leur relation à la maternité, à la filiation. La mort accidentelle de Max – il chute du haut du balcon de sa maison, perdu de vue un instant par sa mère et sous le regard impuissant d’Alice – va mettre le feu aux poudres et faire remonter à la surface les non-dits, le refoulé, les ressentiments, jusqu’à la haine, voire à la catharsis finale.
Mothers’ Instinct, sans véritablement apporter du nouveau à la controverse sur l’existence ou pas d’un tel instinct, est avant tout le prétexte à une performance d’actrices. Les hommes s’ébattent en arrière-plan, la maternité reste une affaire de femmes, introspection et culpabilité comprises. En ce sens, le film est terriblement conventionnel. Tour à tour magnifiées et saccagées, Jessica Chastain et Anne Hathaway brillent d’ambivalence, d’ambiguïté entre normalité épuisante et folie prête à éclater dans toute sa noirceur. A la fois Barbie et Médée, culture pop et tragédie se donnent la réplique.
On se croirait dans une peinture de Roy Lichtenstein – celui des toiles à la manière d’une BD. C’est la force et la limite de Mothers’ Instinct : savoir disséquer la tourmente maternelle dans la froideur formelle d’un réalisateur qui est d’abord un directeur de la photographie reconnu, plutôt qu’un poète de l’âme à la Bergman.
Marco Danesi
Nom | Notes |
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Marco Danesi | 12 |