Emilia Pérez

Affiche Emilia Pérez
Réalisé par Jacques Audiard
Pays de production France, États-Unis, Mexique
Année 2023
Durée
Musique Camille, Clément Ducol
Genre Mélodrame
Distributeur Pathé Films
Acteurs Zoe Saldana, Édgar Ramírez, Selena Gomez, Karla Sofía Gascón, Karla Lazo
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 925

Critique

Remarqué au Festival de Cannes 2024 en raflant le Prix du Jury et un Prix d’interprétations féminines pour l’ensemble de son casting, le dixième long métrage de Jacques Audiard explose encore une fois le champ de la fiction, une histoire magistralement fougueuse de mœurs sur fond d’identité de genre et de narcotrafic.

Dans le paysage quelque peu décevant de la 77e édition cannoise, qui fut allègrement critiquée par la presse internationale pour la faible qualité des films présentés en Compétition, quelques leçons de cinéma brillèrent toutefois. En tête de file, après l’excellent Anora de Sean Baker lauréat de la Palme d’or, s’impose Emilia Pérez en véritable hydre à quatre têtes: fictionnelle, musicale, hallucinatoire et mélodramatique, fauchant furtivement le spectateur pendant près de 2 h 12.

Portée par un casting international surprenant, la trame s’orchestre au Mexique, où Rita Moro Castro (Zoe Saldaña) tente de survivre - entre corruption, misère et trafic en tout genre - à sa profession d’avocate au service d’une étude orgueilleusement véreuse blanchissant à tour de bras ses clients. D’entrée de jeu, Rita, complètement désespérée par les mensonges imposés durant une affaire en cours, s’engage au milieu d’un marché nocturne dans une danse protestataire. La tension s’excite en parlé-chanté, puis transforme la scène en comédie musicale, où l’actorat prend des allures de ballet moderne qui s’insurge le temps d’une chanson populaire sur des compositions pop rock signées Camille. Ce premier intermède donnera le ton du film, imprévisiblement déroutant.

Retour à la réalité pour l’avocate qui continue son chemin dans un marasme routinier, rapidement interrompue par une demande hors du commun: on lui propose d’organiser la disparition de Juan «Manitas» Del Monte (Karla Sofía Gascón), un célèbre narcotrafiquant qui désire devenir une femme dans le plus grand des secrets. Dans le début du premier acte, entrecoupé par des entractes mélodiques, Rita s’exécute en parcourant le monde et ses cliniques privées, ce qui ouvre ponctuellement une forme de tissu hallucinatoire en marge de l’incroyable situation, tel un exutoire pour tous les caractères. Le plan sera un succès, Manitas transitionnera en Emilia Pérez et maquillera sa disparition par un faux règlement de compte qui aurait mal tourné. Cette vérité sera celle de sa femme, Jessi (Selena Gomez), et de ses deux enfants exilés en Suisse pour un nouveau départ.

Emilia reviendra solliciter Rita quelques années plus tard avec le souhait de retrouver sa famille dans leur pays d’origine, ouvrant le deuxième acte qui imitera les plus folles Telenarconovelas. Le propos s’emballe furieusement dans un tumulte grandissant, où les affects prennent le pas sur le mensonge, dévoilant la plus pure marque d’Audiard, qui puise dans la définition des genres cinématographiques, humains, stylistiques, des armes narratives aux accents (sur)réalistes, en faisant fi de toute convention classique. La vérité, c’est la violence du sujet, qui au travers des strates de ce long métrage se révèle en guerre plus intime: celle de deux personnes qui se déchirent, le reste ne sera finalement qu’objet d’apparat. «Est-ce qu’en changeant de sexe, on abandonne la violence?» a déclaré Jacques Audiard au micro de France Inter le 22 juin dernier. Rajoutons donc une deuxième question ouverte au sujet de ce chef-d’œuvre: «Comment le film peut-il dépasser le politique?»

Emilie Fradella

Appréciations

Nom Notes
Emilie Fradella 17
Pierig Leray 14
Marvin Ancian 15
Tobias Sarrasin 7