Réalisé par | Stéphanie Barbey, Luc Peter |
Pays de production | Suisse, Allemagne |
Année | 2023 |
Durée | |
Genre | Documentaire |
Distributeur | Intermezzo Films |
Age légal | 16 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 925 |
«We went to school, we pay taxes, and we are still illegal.»(1) Carlos et sa famille sont sans-papiers, mais désormais leur cas a été documenté par Stéphanie Barbey et Luc Peter qui racontent habilement la trajectoire de ces immigrés latinos dont les parents ont quitté leur terre natale la tête pleine d’espoir.
Si la trace de l’américanisation du Mexique est bien représentée dans la production nationale de son industrie cinématographique, la place des communautés hispaniques au sein du pays d’immigration que sont les États-Unis est bien significative, notamment en regard du supposé poids électoral que ces dernières s’apprêtent à jouer dans l’élection du prochain président. Choisir de filmer Carlos et ses proches n’est pas un geste anodin. Reste à voir comment le matériel filmique collecté, riche d’échanges humains et de personnages attachants hauts en couleur a été utilisé pour penser, écrire, et monter ce film.
Dès les premières images, le ton est donné. Carlos est filmé de dos dans l’espace public. On le suit. Ce sera le point de vue de sa situation un peu particulière qui sera donné à voir aux spectateurs. Des cadres bien construits et une photographie en noir et blanc permettent une certaine prise de distance, rendant les plans d’autant plus beaux. S’ensuit la voix over, en «je», qui raconte son rapport à la réalité et au monde qui l’entoure, à commencer par son environnement immédiat: la ville de Chicago. C’est aussi à travers sa voix que sont révélées les trajectoires de ses proches, notamment d’un de ses frères, renvoyé au pays par les autorités américaines, et de son fils Freddy. Un neveu dont Carlos parle avec tendresse et pour qui le clan familial a tenté vaillamment, et avec les moyens du bord, de pallier l’absence paternelle.
L’esthétique très propre, ainsi que la trame narrative bien pensée et bien construite, rendent ce documentaire à la fois captivant et très touchant. En particulier, les scènes où Freddy et sa mère Erica apparaissent à l’écran. Mais surtout, celles où le personnage principal est filmé en compagnie de sa grand-mère qui évoque sa terre natale qui lui manque tant. À travers ses paroles aussi sages que lucides, pleines de nostalgie, elle fait vivre au spectateur tout un imaginaire et un rapport à l’existence bien à elle. Elle incarne à la fois l’attitude digne et combattante de sa tribu, la fierté de ses racines et la richesse de la culture mexicaine. Mais également le goût amer d’une génération qui a mouillé sa chemise pour que ses enfants aient mieux qu’eux, les voyant pour la plupart trimer comme eux auparavant, vivant dans des conditions précaires et toujours sans-papiers. Exception faite de Julio, le frère cadet du personnage principal. Il a en effet pu terminer son high school, et avoir ainsi accès à une vie relativement confortable (ou en tout cas enviable aux yeux du protagoniste) en tant que chef cuisinier dans un restaurant italien et père de famille marié à une Américaine.
Ce que font les cinéastes, c’est littéralement documenter avec brio des réalités qui nous sont étrangères et lointaines, et qui ne nous seraient pas forcément données de voir autrement. Par ce film, ce sont toutes ces communautés, ces vécus et trajectoires de vie sans-papiers marquées par l’incertitude et la peur constante qui sont visibilisés. Ce que soulève en creux ce film, c’est la question de la citoyenneté. Les mots de Carlos sonnent justes tant ils sont simples: «Becoming a citizen is about feeling free and at home»(2). Une citoyenneté d’autant plus inaccessible symbolisée par les murs qui marquent la frontière mexicano-américaine, et dont le frère de Carlos a tenté de traverser à deux reprises sans succès. Au-delà des murs en construction, les enjeux migratoires qui sont actuellement au cœur des débats politiques, tant aux États-Unis qu’en Europe, font émerger des cadres de pensée marqués par la xénophobie et le racisme. Ceux-ci occupant désormais une place non négligeable dans le débat médiatique et la vie politique de nos démocraties occidentales. Un tel documentaire est une preuve que le cinéma a encore et toujours son rôle à jouer dans le débat politique.
(1) «Nous sommes allés à l’école, nous payons des impôts, et nous n’avons toujours pas de papiers.»
(2) «Devenir citoyen, c’est se sentir libre et à la maison.»
Noémie Baume
Nom | Notes |
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Noémie Baume | 18 |