Réalisé par | Mohamed Kordofani |
Titre original | WADAEAN JULIA |
Pays de production | Égypte, France, Allemagne, Arabie Saoudite, Soudan, Suède |
Année | 2023 |
Durée | |
Genre | Fiction, Drame |
Distributeur | trigon-film |
Acteurs | Eiman Yousif, Siran Riak, Nazar Gomaa, Ger Duany, Louis Daniel Ding, Paulino Victor Bol |
Age légal | 16 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 923 |
Goodbye Julia est un film qui traite de la discrimination confessionnelle, du racisme structurel et du patriarcat dans un contexte socio-politique d’avant la sécession de 2011 entre le nord et le sud du Soudan. Des thèmes peu abordés, mais très subtilement présentés.
Le choix du cinéaste soudanais de réaliser une fiction plutôt qu’un documentaire se justifie par le fait qu’à ses yeux de tels thèmes s’articulent mieux sous la forme d’un «storytelling» intime et personnel. Riche en détails, structuré en multiples strates et joignant le macro au micro, Goodbye Julia démontre les répercussions de l’histoire du pays au sein du foyer de Mona (la charismatique Eiman Yousif) et d’Akram (Nazar Gomaa), dans un quartier aisé à l’ouest de Khartoum. Telles les ondulations de la surface de l’eau provoquées par le jet d’un galet, le récit établit une corrélation entre la grande et la petite Histoire. C’est-à-dire entre le début réel des émeutes de 2005, qui opposent les Arabes musulmans aux Noirs chrétiens (après la mort de l’ancien vice-président chrétien John Garang de Mabior), l’accident de Danny (Louis Daniel Ding) et le meurtre de son père Santino (Paulino Victor Bol). Par ailleurs, celui-ci partageant symboliquement le même nom de famille que Garang. Les conflits, qui se propagent par la suite dans tout le Soudan, forcent Mona et Akram à se confronter au dysfonctionnement de leur couple, ainsi qu’à leur comportement discriminatoire et raciste envers leur «esclave» noire chrétienne Julia (Siran Riak).
Mohamed Kordofani a pris beaucoup de risques lors du tournage, dans un pays en proie au chaos provoqué par la guerre civile qui, depuis le coup d’État militaire du 25 octobre 2021, oppose le général Mohamed Hamdan Daglo dit Hemetti et le général Abdel Fattah al-Burhan. Il en prend également en abordant trois problématiques très peu discutées au Soudan: le racisme structurel, la discrimination confessionnelle et le patriarcat. Dans un pays majoritairement musulman, le racisme, issu de la traite des esclaves (dans laquelle les Arabes ont été fortement impliqués) et du colonialisme anglo-égyptien, est encore nourri par le sentiment de supériorité économique et religieuse que la communauté arabe continue à ressentir. Une oppression confessionnelle qui est en lien étroit avec celle du patriarcat. Alors que demeure un écart entre les textes du Coran et son exégèse, leur interprétation des sourates établit un système dans lequel la femme n’existe qu’à travers l’homme. Cette lecture entretient une relation inégalitaire qui place l’homme comme seul pourvoyeur et autorité du foyer, avec tout ce que ce masculinisme peut impliquer.
Bien que le premier long métrage de Kordofani laisse entrevoir une faible lueur d’espoir et une possible réconciliation entre Mona et Julia à travers une solidarité (précaire), sa fin ambiguë éteint vite cette flamme. Elle reflète hélas la très violente réalité que le Soudan vit encore: villages brûlés, déplacements en masse, famine, viols et enfants enrôlés de force. Certains détails du film ont au demeurant leur importance, car ils servent de fonction métaphorique à la narration. Ainsi, les fractures du Soudan font écho à celles, intimes, des personnages et démontrent à quel point les clivages ethniques, religieux et économiques sont le terreau premier des guerres. Prix de la Liberté 2023 dans la section Un certain regard au Festival de Cannes, Goodbye Julia mêle le politique et le personnel d’une manière très subtile, bienveillante et sensible.
Kim Figuerola
Nom | Notes |
---|---|
Kim Figuerola | 15 |