Réalisé par | Shinji Sômai |
Titre original | OHIKKOSHI |
Pays de production | Japon |
Année | 1993 |
Durée | |
Musique | Shigeaki Saegusa |
Genre | Drame |
Distributeur | Sister Distribution |
Acteurs | Tomoko Tabata, Kiichi Nakai, Junko Sakurada |
Age légal | 16 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 922 |
Malgré son apparition timide au Festival de Cannes en 1993, et lors d’une rétrospective à la Cinémathèque française en 2012, ce joyau du cinéma d’auteur japonais est resté invisible pendant trente ans. Heureusement, Survivance l’a ressorti en 4K sur les écrans français en 2023, et le distributeur suisse Sister lui emboîte le pas. L’occasion de (re)découvrir enfin l’un des grands films sur l’enfance et le divorce.
La jeune Ren Urushiba (Tomoko Tabata) se voyant confrontée à la séparation de ses parents s’empare de leur contrat de divorce. Aux yeux de la fillette, les formulations et le vocabulaire obscur sont foncièrement opaques. Plus encore, le document prend une forme presque absurde dans ses dimensions prescriptives sur les libertés et obligations de la petite Ren. Face à ce changement de régime radical, tandis que ses parents doivent eux aussi s’habituer à ce nouveau rythme, les comportements de Ren deviennent de plus en plus bizarres, de plus en plus comiquement dramatiques.
Les plans lents, tant dans leur rythme que dans les mouvements de caméra particulièrement doux, nous laissent apprécier le quotidien en pleine métamorphose de cette famille de classe moyenne. Les travellings et panoramiques tantôt accompagnent le regard de la fillette, tantôt nous montre en contrechamp son regard contemplatif, néanmoins expressif. Il faut d’ailleurs le souligner, l’actrice qui incarne le premier rôle est particulièrement convaincante, et les autres actrices et acteurs ne sont pas à plaindre non plus: les désirs contradictoires de son père Ken’ichi (Kiichi Nakai) et sa mère Nazuna (Junko Sakurada, connue également pour sa carrière de chanteuse) ne nous laissent pas de marbre. Dans ces scènes teintées d’une légère mélancolie, l’héroïne s’amuse et joue avec les limites de ce monde régulé par des bienséances et des mots compliquées, ou alors observe, pensive, les adultes eux aussi désemparés, pas autant sérieux qu’ils ne devraient, ou plutôt prétendent l’être. Alors que la plupart de ses camarades de classe profitent d’une insouciance enfantine, elle se retrouve à devoir gérer ses parents déboussolés, capricieux, enfantins. L’école comme lieu d’apprentissage de la discipline devient alors le terrain d’expérimentation des limites de l’autorité. Du haut de ces 11-12 ans, elle sème la discorde et le chaos, faute de pouvoir exprimer son incompréhensible mal-être. Mais quelques rencontres feront naître des camaraderies précieuses pour confronter ces changements indépendants de la volonté de Ren.
Si le rituel de séparation s’avère chaotique, de par ses enjeux affectifs, le repli dans le souvenir est sans nul doute aussi une position délicate. Prise entre ses deux parents, l’enfant toujours en fuite, parcourt les espaces en quête de sens. Alors qu’elle ne rêve que de réunir ses deux parents, elle se confronte sans cesse à l’impossibilité de cette union. La perte d’innocence se mêle alors au processus d’individuation de la jeune fille sous le regard de ses parents inquiets. L’ethnologue Arnold van Gennep du début du XXe siècle décrivait dans un de ses ouvrages les plus connus une typologie des rites de passage. Il décrit trois étapes à franchir: la séparation, la mise en marge et la réintégration. Dans ce schéma, Déménagement est la parfaite mise en récit de la marginalisation de la petite Ren. Avec comme point de départ l’échec rituel du processus bureaucratique, le film de Shinji Sômai nous montre l’errance d’une petite fille dans l’incapacité de se réintégrer et sa quête maladroite et effrénée d’une assimilation.
Ani Gabrielyan
Nom | Notes |
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Ani Gabrielyan | 16 |
Anthony Bekirov | 18 |