Augure

Affiche Augure
Réalisé par Baloji
Pays de production République Démocratique du Congo, Belgique, Pays-Bas
Année 2023
Durée
Musique Liesa Van der Aa
Genre Drame
Distributeur Outside The Box
Acteurs Marc Zinga, Lucie Debay, Eliane Umuhire, Yves-Marina Gnahoua, Marcel Otete Kabeya
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 922

Critique

Dans un Congo irréel, le superbe premier long métrage de Baloji Tshiani est un conte féministe qui entrelace la vie de quatre personnages accusés de sorcellerie. Se distançant des codes naturalistes d’un certain cinéma occidental, Augure souligne par son réalisme magique la nécessité de changer les assignations sociales, de même que de déconstruire le regard eurocentriste que nous pouvons porter sur de telles œuvres.

Une cavalière habillée de couleurs sombres chevauche les dunes d’un désert et traverse un champ d’épouvantails. S’arrêtant quelques mètres plus loin, la femme dévoile un sein pour verser dans le fleuve le lait maternel mêlé de sang. Hautement allégorique, la séquence liminaire d’Augure nous confronte d’emblée à une esthétique joignant réalisme, magie et poésie. Un choix formel, qui loin de desservir la narration, l’enrichit. Avec un imaginaire fantasmagorique, Baloji (de son nom d’artiste) déploie une réalité que certains codes filmiques naturalistes échouent à «verbaliser». Une réalité décentrée de l’Europe, dans laquelle l’animisme et l’invisible ne peuvent être révélés que par des images oniriques.

Augure est un film choral mettant en scène Koffi (Marc Zinga), sa sœur Tshala (Eliane Umuhire), leur mère Mama Mujila (Yves-Marina Gnahoua) et Paco (Marcel Otete Kabeya), un shégué. Accusés de sorcellerie par leurs proches et la société, cette croyance en l’occultisme, qui se traduit par de violentes stigmatisations, relève de la superstition et de l’injonction à une conformisation sociale. Soumis à des rituels de guérison par un tribunal populaire, Koffi, avec sa tache de naissance sur le visage, et Tshala, avec sa pratique du polyamour et ses aspirations féministes, sont assignés à des identités imposées, de même que Mama Mujila, rigide et attachée aux traditions, et Paco, meurtri par le décès de sa petite sœur Maya. Ils sont tous mis au ban de l’espace privé et de l’espace public. À travers le pardon, l’empathie, le questionnement sur la domination masculine et la réconciliation, chacun et chacune va tenter de s’émanciper de la charge générationnelle qui détermine maints préjugés.

Bien que l’assignation sociale soit le thème directeur, la structure narrative en mosaïque d’Augure offre une série de quatre tableaux chromatiquement et musicalement distincts. Rouge foncé pour Koffi, vert pour Tshala, rose pour Paco et terracotta pour Mama Mujila. Quatre ambiances qui se distinguent également par les styles vestimentaires et les inspirations esthétiques. Créant «un triangle culturel» (selon les termes de Baloji), les éléments formels trouvent leur source autant dans l’Afrique subsaharienne que dans les costumes festifs du Mardi gras de La Nouvelle-Orléans et du carnaval de Binche (Belgique). Ces éléments empruntent en outre à l’onirisme «des peintres surréalistes belges comme Magritte» et de Hansel et Gretel (1812), le conte pour enfants des frères Grimm. Ce riche et puissant foisonnement visuel issu de diverses cultures - déjà présent dans son court métrage Zombies (2019) sur un Kinshasa «halluciné» - reflète la curiosité vive de cet artiste transdisciplinaire belgo-congolais. Né en République démocratique du Congo, à Lubumbashi, Baloji grandit à Liège dès son plus jeune âge. Musicien, poète et réalisateur, il a lui-même dû se battre avec l’assignation sociale dans laquelle son nom l’a enfermé. Un nom swahili qui s’apparente au diable, et qui par dérivé sémantique, s’est mué d’«homme de sciences» en «sorcier», avec l’arrivée au Congo des missionnaires catholiques à la fin du 19e siècle.

Aucunement autobiographique, Augure est d’abord un film féministe qui renverse les stigmates et déconstruit le regard eurocentriste que nous portons sur les narrations africaines. Le récit inaugural de Koffi n’est finalement pas central, car nous comprenons en définitive que c’est avec la figure de la mère que tout commence et tout finit. Une fin qui entre en résonance avec la séquence liminaire. Une boucle qui se referme et qui va conjurer les mauvais sorts.


Kim Figuerola

Appréciations

Nom Notes
Kim Figuerola 16