La Ferme des Bertrand

Perchée dans un village d’une poignée d’habitants, la ferme des Bertrand s’est transmise de génération en génération depuis les années 1970. Voisin de l’exploitation laitière, Gilles Perret a traduit en images l’évolution technique et humaine d’un travail intemporel, celui des agriculteurs qui entretiennent une montagne immuable dans la vallée du Giffre en Haute-Savoie.

En 1972, trois frères célibataires, Joseph, André et Jean, décident de reprendre une exploitation laitière de 60 hectares dans le village savoyard de Quincy avec le désir de réorganiser l’affaire et d’améliorer les conditions de travail. En 1997, leur neveu Patrick et sa femme Hélène reprennent le flambeau, accompagnés de leurs trois enfants. C’est à cette occasion que le cinéaste Gilles Perret suit le quotidien de cette modeste famille et réalise le premier film sur le travail de plusieurs vies. Vingt-cinq ans plus tard, le voisin de la ferme des Bertrand reprend sa caméra et accroche son regard à Hélène, son fils et son beau-fils, troisième génération à dédier leur temps au foin et aux vaches. Fini le travail à la main et les dos courbés pour cette génération qui a robotisé une grande partie de l’exploitation, en restant attachée à cette terre qui les soude, à l’agriculture qui les fait vivre. Face à l’objectif, Élodie, Cécile et leurs proches racontent avec émotion comment le progrès a changé leur vie de famille: plus de temps, moins de labeur, toujours dans le périmètre du même village.

C’est un documentaire sensible que propose, sans prétention, Gilles Perret. Se posant en témoignage générationnel qui met en valeur la parole de cette famille proche du réalisateur, ce long métrage navigue dans les archives du cinéaste à travers les années avec une affection tangible. Dans une seconde lecture, La Ferme des Bertrand dépeint une couche de la société paysanne qu’on voit peu sur grand écran, contrastant le propos face à la crise que traverse actuellement l’agriculture française: l’exploitation est prospère, moderne, ne s’est pas étendue au détriment de ses bêtes et de ses propriétaires. Les protagonistes discutent de la place du plaisir, du loisir face à la pénibilité du travail qui se voit allégée par la robotisation dans cette vallée qui leur est chère et avant tout de transmettre le goût du cheptel.