Alma Viva

Affiche Alma Viva
Réalisé par Cristèle Alves Meira
Titre original Alma Viva
Pays de production Portugal
Année 2022
Durée
Musique Amine Bouafa
Genre Comédie dramatique
Distributeur Temporary Import Filme
Acteurs Lua Michel, Ana Padrão, Jacqueline Corado, Duarte Pina
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 900

Critique

Premier long-métrage de la réalisatrice franco-portugaise Cristèle Alves Meira, Alma Viva raconte la plongée dans les traditions d’un petit village portugais, brusquement chamboulé par la mort d’une « sorcière ». 

Luis Buñuel avait raison : pour accéder à la vérité, cette couche irrationnelle située en deçà du réel, il faut accepter de fermer l’œil. Mais fermer l’œil n’empêche pas d’avoir les yeux ouverts. L’œuvre du cinéaste espagnol en est la preuve – et d’une certaine façon, son cinéma ne parle que cela : pour bien voir quelque chose, il ne suffit pas de la regarder. Soit : la question du Voir n’est pas rabattable sur celle du Regard. Et en ce sens, le premier film de Cristèle Alves Meira semble assumer une filiation d’avec Buñuel. Non pas qu’il convoque une esthétique surréaliste – la cinéaste apparaît même assez sage (trop) au moment de traduire visuellement ses aspirations fantastiques – mais sa manière de faire du regard la matière première de son film oblige le spectateur à interroger sa propre relation à l’œuvre.

Mais si le regard est au centre de la démarche de la réalisatrice, c’est aussi bien grâce à la place qu’elle lui accorde au sein de son dispositif – celle de la nervure – qu’elle fait tenir l’intégralité de sa narration entre deux regards significatifs : c’est à la fois cet œil, filmé en gros plan, qui ouvre le film et ce regard caméra de clôture qui le replie dans un mouvement d’élévation. Et cette trajectoire – d’un regard à un autre – participe grandement du pouvoir attractif du film en conférant à son récit initiatique toute sa singularité : pour Salomé, la maturité qu’il faut gagner à la suite du décès de la grand-maman, pilier autour duquel se construit le récit familial, résulte de la maturation de son regard. D’une certaine façon, accepter la mort de sa grand-mère adorée, c’est, pour Salomé, accepter de regarder la mort en face (d’où cette phrase, absolument décisive, qui évoque cet horizon de l’œuvre que de filmer la conversion d’un regard : « Les vivants ferment les yeux aux morts, les morts ouvrent les yeux des vivants »).

Pour s’en convaincre, il suffit de penser à cette séquence qui succède de peu à la tragédie. Tandis que la famille se réunit pour observer la morte sur son lit de mort, la petite fille revêt la chemise de nuit de la défunte et s’allonge dans un couloir. Débute alors une séquence onirique dans laquelle Salomé se regarde dans le miroir pour y contempler sa grand-mère. Prise dans son rêve, Salomé se fait néanmoins réveiller par Tio Dantas, son oncle aveugle aux pouvoirs oraculaires, et qui, comme elle, voit ce que les autres ne voient pas : « Dis-moi, Salomé, tu l’as vue, n’est-ce pas ? ». Grande idée, dès lors, que celle de filmer le processus de deuil par l’éveil d’un regard occulte accueillant les esprits et les forces invisibles.

Au-delà de la complexité avec laquelle il travaille le rapport entre l’invisible et le visible – l’invisible n’est pas l’absence et le présent n’est pas nécessairement visible – Alma Viva étonne également par son ambition ethnologique : arrimée au cœur d’un petit village montagneux, la caméra enregistre avec précision les dynamiques qui structurent ce microcosme et les traditions qui le fondent. S’il n’est pas sans défauts, Alma Viva n’en reste pas moins une très belle surprise de cette année.

Kevin Pereira

Appréciations

Nom Notes
Kevin Pereira 14
Marvin Ancian 13