Nous étions soldats

Affiche Nous étions soldats
Réalisé par Randall Wallace
Pays de production Allemagne, U.S.A.
Année 2002
Durée
Musique Nick Glennie-Smith
Genre Guerre, Historique, Action
Distributeur Bac Films
Acteurs Mel Gibson, Greg Kinnear, Sam Elliott, Madeleine Stowe, Chris Klein
N° cinéfeuilles 435
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Un film bien écrit, captivant et émouvant. Mais prudence: ce film si bien conté nous fait presque oublier que l'Histoire, c'est une tout autre histoire!

Le 14 novembre 1965, 400 soldats américains sont débarqués par hélicoptères dans la vallée de la Ia Drang: c'est la première bataille importante de la guerre du Viêt-Nam. Elle sert de cadre principal à ce film qui brosse en parallèle quelques scènes de la vie conjugale et familiale aux Etats-Unis: avant le départ au front et pendant les combats. Evidemment, le scénario est basé sur des faits réels, inspiré du livre ""We were soldiers once... and young"", co-écrit par le lieutenant-colonel Moore, commandant les troupes à Ia Drang et Joseph L. Galloway, journaliste présent sur le champ de bataille. Tous deux ont étroitement collaboré à cette réalisation faite en hommage aux hommes - des deux camps, nous dit-on - tombés au combat.

Ia Drang était en fait un piège: à peine débarqués, les soldats américains sont assaillis par 2'000 militaires du Viêt-Cong qui jaillissent du ventre même des collines, commandés par un chef de guerre présenté comme aussi brillant que le colonel Moore.

A la vision de cette grosse production (70 millions de dollars), le malaise est profond: l'histoire est si bien racontée, interprétée, réalisée! Toutes les ficelles - y compris les cordes des violons - sont mises en œuvre pour élaborer du grand spectacle. Wallace alterne donc savamment les moments d'émotion intense et les scènes violentes d'action guerrière (sans oublier Dieu, associé au projet comme une sauce justificatrice qui recouvre l'ensemble). Le spectateur communie au désarroi du couple déchiré par le départ au front, à celui de l'épouse recevant - nouveauné sur la hanche - un télégramme annonçant le décès de son conjoint. Mais il suit parallèlement avec intérêt l'évolution stratégique de la bataille, participe étroitement aux événements abondamment explosifs et hémorragiques.

Plus le spectacle est vibrant et plus l'Histoire est malmenée. Les causes du conflit, ses enjeux profonds, les leçons éventuelles à en tirer sont superbement ignorés: Lindon Johnson annonce à la télévision qu'il accorde au général de l'US Army les forces supplémentaires qu'il demande pour le Viêt-Nam. Point. Certes, la compétence du stratège et des combattants Viêt-Cong sont pleinement reconnues, de même qu'une dignité égale à celle de tout soldat américain. Mais ce sont bien les valeurs américaines, patriotisme et héroïsme individuel en tête, qui sont unilatéralement exaltées, bénédiction divine comprise. A Ia Drang, Moore ""perdra"" 40 soldats mais tuera - avec l'aide de ses hommes et des avions de combat - plus de 1'400 ennemis.

L'Amérique continue à panser la blessure encore béante de cette guerre qu'elle a perdue, à coups de grandes mises en scènes cinématographiques, sans se donner les moyens de creuser jusqu'aux racines. A moins que nous, Européens, soyons trop différents ou trop impatients: la blessure est-elle si vive qu'elle se soigne ainsi, et centimètre par centimètre? Devrait-on se satisfaire de voir reconnues la dignité de l'ennemi, la souffrance des femmes, la réalité de la blessure, l'hypothèse d'une défaite? Il nous semble en tout cas qu'existent dans la culture américaine certains mots qui mettent en route des mécanismes ""irrationnels"", court-circuitant toute réflexion sereine: en 1965, c'était ""Viêt-Nam""."

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