A Forgotten Man

Affiche A Forgotten Man
Réalisé par Laurent Nègre
Titre original A Forgotten Man
Pays de production Suisse
Année 2022
Durée
Musique Ladislav Agabekov, Christophe Calpini
Genre Thriller
Distributeur Xenix
Acteurs Michael Neuenschwander, Manuela Biedermann, Cléa Eden, Yann Philipona
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 899

Critique

A Forgotten Man explore dans le registre de la fiction les ambiguïtés de la relation diplomatique entre l’Allemagne et la Suisse durant la 2ème Guerre, à travers le personnage d’un ambassadeur inspiré de Hans Frölicher (1887-1961) qui était en poste à Berlin de 38 à 45. Un documentaire aurait peut-être été une meilleure description historique. À la place, on se demande si le film n’est pas simplement l'expression morale d’une mauvaise conscience suisse.

 

Printemps 1945. Quelque part en Suisse allemande. Retour chez lui de Heinrich Zwygart (Michael Neuenschwander), ambassadeur en poste à Berlin depuis 1938. L’homme est taciturne, pensif. On célèbre familialement la fin de la guerre et on lève son verre au Général Guisan, mais plusieurs allusions, dont un premier plan qui voit Zwygart brûlant des papiers avant son départ, indiquent ce que le rôle de l’ambassadeur doit aussi, silencieusement, à cette victoire (à savoir la non-agression de la Suisse par l’Allemagne). Ce silence doit d’ailleurs perdurer : Zwygart est interdit de célébration de victoire par la Confédération laquelle s’attelle à la construction d’une Suisse « alliée » irréprochable. Mais, le retour du refoulé apparaît : Zwygart est hanté par la vision (et bientôt la présence) intruse et répétée de Maurice Bavaud (Victor Poltier) - neuchâtelois qui a tenté d’assassiner Hitler en 1938, exécuté en 1941 - à qui Zwygart n’a pas pas apporté de protection asilaire. Plus radicalement encore, Nicolas (Yann Philippona), le nouveau petit ami de sa fille Hélène (Cléa Eden), va le confronter à cet acte.


Tout ce que l’on vient de lire - à l’exception des dates et de l’histoire de Bavaud - n’est pas historique ; il s’agit bel et bien d’une fiction et non d’un biopic. Si le personnage d’Heinrich Zwygart est inspiré du diplomate Hans Frölicher (1887-1961) qui a occupé les mêmes fonctions durant les années correspondantes (et fait preuve de la même inactivité à l’égard de Bavaud), toute l’élaboration de la famille de Zwygart, lors de ce récit de retrouvailles, est inventée. Incontestablement, le noir et blanc, la photographie, ainsi que le jeu des acteurs, de même que le réalisme de certaines interactions familiales - notamment celle du diplomate avec son père « guisanien » - sont prenants et efficaces. Mais le suspense sur lequel se construit l’intrigue tendant au thriller (avec quelques scènes quasi horrifiques, retour du refoulé oblige), semble non seulement décalé quant au registre du film, mais aussi déceptif dans la mesure où rien n’est finalement révélé sinon l’épisode Bavaud susmentionné. Mais surtout, que le diplomate soit tourmenté par cet épisode relève ici d’une licence tout hypothétique par rapport à Frölicher dont on ne connaît pas les états d’âme. Ainsi, on comprend mal le procès scénographique et presque personnel qui est ici fait à un personnage de fiction contre lequel toute sa famille se retourne, ambassadeur dont la fonction a été pourtant de sauvegarder les intérêts de la Suisse pendant la Guerre, qui, ce faisant, a forcément dû faire des choix moralement compliqués à l’aune de l’après-guerre. Si Zwygart n’est destiné qu’à être la personnification de la mauvaise conscience de la Suisse - allégorisée avec le plan final d’un drapeau suisse, troué, qui passe du noir et blanc à la couleur - dans ses relations avec l’Allemagne nazie, non seulement cette proposition, sur le plan de la fiction, paraît fonctionner en sous-régime, mais surtout, sur le plan de l’Histoire, ne nous apprend pas grand-chose, car, encore une fois, tout événement historique reste suggéré sans désignation de source. Peut-être qu’un documentaire sans les allures d’un « spectacle à l’américaine » - dont on dit dans le film que ces derniers ont le secret - aurait mieux atteint son objectif. Et peut-être aussi que le refus de l’ambassadeur américain d’écouter les déclarations de Zwygart dans la dernière scène constitue finalement une mise abyme inconsciente du film.

Jonas Pont

Appréciations

Nom Notes
Jonas Pont 11