1976

Affiche 1976
Réalisé par Manuela Martelli
Titre original 1976
Pays de production Chili
Année 2022
Durée
Musique Mariá Portugal
Genre Drame, Thriller
Distributeur Trigon
Acteurs Aline Küppenheim, Hugo Medina, Nicolás Sepúlveda
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 899

Critique

Le premier film de l’actrice devenue réalisatrice Manuela Martelli, présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, aborde la dictature chilienne du point de vue d’une femme privilégiée devant affronter l’horrible réalité. Bien qu’il relate des événements passés, il se montre finalement d’actualité, face au refus de la nouvelle Constitution.

Comme le titre de ce film l’indique, nous sommes au Chili, en 1976. Carmen, une femme au foyer de la classe bourgeoise, se rend dans sa maison de vacances pour superviser les travaux de rénovation qui s’y déroulent. Engagée dans la vie communautaire religieuse, elle est bientôt approchée par le Père Sánchez, qui lui demande un service particulier : soigner un jeune activiste, Elías, ayant reçu une balle dans la jambe et se cachant à l’église. La vie de Carmen prend alors une tournure dangereuse…

Situant son intrigue trois ans après le coup d’État de Pinochet, le film explore la manière dont l’horreur de la dictature s’immisce peu à peu dans la vie d’une femme de la classe moyenne, magnifiquement interprétée par Aline Küppenheim. Il le fait en établissant deux dichotomies principales. La première oppose les « deux personnalités » de Carmen : celle d’avant sa rencontre avec Elías (une femme au foyer névrosée, à la carrière de médecin brisée par les carcans familiaux, flirtant avec l’alcoolisme et accro à l’automédication, qui réalise des activités caritatives sans grande importance) et celle d’après (une femme qui n’a pas peur de prendre des risques et de braver l’autorité en place, engagée politiquement et qui met ses facultés médicales au service de l’opposition). Cet écart est soutenu par la bande son, composée de synthétiseurs presque dissonants, qui soulignent la tension mais aussi l’état d’esprit de Carmen, écartelée entre une ancienne version d’elle-même qui était en sécurité mais malheureuse, et une nouvelle qui suit ses convictions malgré les apparences que son entourage aimerait qu’elle conserve.

 La deuxième dichotomie est celle qui divise la bourgeoisie et les dissidents. La réalisation l’illustre par une couleur symbolique, le rouge, qui représente le sang versé par le régime totalitaire, mais également le communisme (ou « les pommes rouges pourries » comme le souligne un personnage conservateur). Cette teinte se décline plutôt ici en rose et est étroitement associée à Carmen (la peinture rose qu’elle fait fabriquer pour la maison de vacances, le mélange rose pour un glaçage de gâteau), montrant ainsi le lien qu’elle établit entre les opposants et les privilégiés, sa volonté de se confronter à la réalité de son pays. Le film tient en effet un discours critique sur le déni d’une certaine élite de la population, comme le mari de Carmen, chirurgien à la posture politique trouble, qui préfère détourner le regard. Si la violence est toujours hors-champ dans 1976, ses résultats sont bien visibles (une chaussure abandonnée dans la rue après un enlèvement, un cadavre qui s’échoue sur une plage), impliquant l’idée que, aussi fort veut-on fermer les yeux, on ne peut ignorer pour toujours les conséquences de la dictature. Un film à l’ambiance néo-noir soignée et au propos politique fort qui résonne étrangement bien avec l’actualité chilienne.

Amandine Gachnang

Appréciations

Nom Notes
Amandine Gachnang 16