L'envol

Adaptation libre du roman de Aleksandr Grin (« Les voiles écarlates »), Marcello filme le cheminement de Juliette (de l’enfance à l’âge adulte) auprès de son père Raphaël, dans l’entre-deux guerre en campagne française, et offre un spectaculaire hymne à la lenteur.

Par sa forme anachronique qui interroge, l’Envol prend progressivement le sien, d’envol, par son apologie de la patience (imagée par le travail de minutie du père menuisier) et de la quiétude (par la voix enchanteresse de Juliette). Un sentiment d’apaisement naît de la beauté plastique du cadrage et de la photographie, un travail de cinéaste tout autant précis que la sculpture sur bois (dont Raphaël est expert) pour insérer des images d’archives à la fiction, et offrir un rendu spectaculaire d’authenticité et de beauté. Malgré les souffrances et humiliations répétées (Juliette vilipendée en sorcière), il n’y a jamais de haine, le travail de la terre et des mains (imagée à de nombreuses reprises par la rugosité de celle du père), puis du chant et de la musicalité (le piano de Juliette) viennent expier à eux seuls les malheurs de cette famille excommuniée.

Et puis du ciel, l’arrivée fracassante de cet aviateur à moustaches (joué par Louis Garrel), naîtra un amour prophétique, celui qui fera jaillir un sentiment nouveau chez Juliette (un premier amour) et qui la poussera définitivement à prendre un nouvel envol, celui-ci décisif, après le décès de son père. Et nous avec elle, qui sortons en apesanteur de cette parenthèse cinématographique d’une poésie rare.