Réalisé par | André Téchiné |
Titre original | Les âmes sœurs |
Pays de production | France |
Année | 2022 |
Durée | |
Musique | Mathieu Lamboley |
Genre | Drame |
Distributeur | Adok |
Acteurs | André Marcon, Audrey Dana, Noémie Merlant, Benjamin Voisin |
Age légal | 16 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 898 |
Johnny s’en va-t’en guerre de Dalton Trumbo sortait en 1971. 50 ans plus tard, André Téchiné en fait sa version, alourdie par l’obsession du cinéaste pour la psychanalyse. La suite de cette critique contient des spoilers, donc que les lecteurs qui préfèrent s’en garder avancent avec précaution – ou qu’ils s’économisent la vision de ce film.
David (Benjamin Voisin) est un soldat français au Mali. En sautant sur une grenade pour sauver la vie de ses camarades, il est grièvement blessé et tombe dans le coma. Il est rapatrié en France, mais les médecins ne croient guère en sa survie. Par miracle, la visite de sa sœur Jeanne (Noémie Merlant) le sort des limbes et le ramène parmi les vivants. Seul problème : il a perdu la mémoire. Jeanne accepte alors de s’occuper de lui durant sa convalescence, et le reconnecter à son passé. Enfin, pas à toutes les pièces de son passé car, autre problème, le frère et la sœur ont en fait vécu une passion romantique et sexuelle incestueuse jadis et Jeanne aurait préféré que David ne s’en souvienne pas. Mais voilà, David retombe éperdument sous le charme de Jeanne, et déprime de ne pouvoir vivre ses sentiments au grand jour.
Dans le célèbre brûlot antimilitariste Johnny Got His Gun de Dalton Trumbo, le personnage principal avait été si violemment écorché au Vietnam qu’il ne lui restait que la peau pour accéder au monde extérieur. Son infirmière avait développé un alphabet sensuel, tactile avec lui et avait accepté de lui donner la mort, à sa requête. Dans Les âmes sœurs de Téchiné, le discours politique est inexistant. La situation au Mali est une excuse scénaristique pour justifier l’amnésie de David, dont les blessures corporelles sont moins graves que celles de Johnny. Toutefois, c’est aussi au travers de la peau qu’il décide de recouvrer la mémoire : les sessions où Jeanne lui nettoie ses plaies lui évoquent d’heureux souvenirs et érections, alors que les sessions de thérapie par la parole l’insupportent. David veut se souvenir avec sa chair, non pas avec les mots encombrés du langage. Et c’est bien dans les mots, dans les textes de loi et les tabous sociaux que son amour incestueux est interdit, alors qu’il se présente comme une évidence pour ses sens. Il aurait préféré mourir sans doute.
On ne peut enlever au réalisateur chevronné qu’est Téchiné (80 ans et 21 films au compteur) qu’il sait créer des films qui souffrent une analyse poussée. On ne peut lui enlever l’audace d’un thème rarement abordé. On lui rétorquera par contre la lourdeur typiquement franco-française qui alourdit le tout d’une épaisseur psychanalytique prolixe. Alors que le personnage de David souhaite se libérer des mots pour plonger dans les signes, il est étonnamment pris de logorrhées constantes pour tenter de s’expliquer à lui-même et à autrui. Il joue un incompris qui fait semblant de ne rien comprendre et exige en retour des explications, à toute chose, à tout le monde. Rarement une ode à la sensualité se sera autant vautrée dans le verbeux et l’ostentatoire.
Anthony Bekirov
Nom | Notes |
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Anthony Bekirov | 8 |