Hijos del viento

Affiche Hijos del viento
Réalisé par Felipe Monroy
Titre original Hijos del viento
Pays de production Suisse, France, Colombie
Année 2022
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Adok Films
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 897

Critique

Entre 2002 et 2010, le gouvernement colombien assassine des milliers de jeunes hommes innocents (appelés « faux positifs ») se servant de leurs corps morts comme preuve irréfutable du combat étatique contre la guérilla. En réalité, politiques et hauts gradés (à sa tête l’ex-président Uribe) n’ont fait que s’enrichir par la corruption et la collaboration silencieuse avec les groupuscules terroristes marxistes et paramilitaires d’extrême droite qui terrifiaient le pays. Pour cacher leur inaction, il leur fallait des corps ; ils sont allés les trouver dans les rues d’Ocaña, ville pauvre au nord de la Colombie.

 

Par-delà l’investigation documentaire narrée en chapitres, Monroy filme surtout des visages de femmes en caméra serrée, des traits âpres marqués par la souffrance, épuisés par un combat dévot, celui de la vérité ("où sont les corps ?") et de la justice (poursuivre les coupables). Ces mères sont omniprésentes (au sein de l’association MAFAPO, « les mères des faux positifs »), les pères sont absents, et de ce le lien indéfectible avec leur descendance (« tu ne peux pas comprendre, je l’ai porté 9 mois dans mon ventre » vindicte une femme à son mari) elles entretiennent un combat de toujours avec cette incapacité viscérale à tourner la page malgré tout espoir envolé. Comme si l’arrêt des recherches entraînerait la dissolution de leurs fils de la mémoire collective (« si je l’oublie, il disparaît à jamais»).


Monroy appuie à travers les témoignages recueillis sur l’importance du corps. Tout d’abord par son absence qui marque pour les familles une traversée du désert (littéralement imagée dans le film) dans les limbes de l’attente et de l’espoir déçu. Puis, par sa présence, la découverte de l’état des corps à la morgue, balafrés par les balles tueuses, souvent tirées à bout portant, la chair déchirée, le visage défiguré. Pire, certains corps restent encore aujourd’hui propriété de l’état colombien et toujours non rendus aux familles des victimes. Il y a aussi l’importance de la reconstitution, retourner dans les pas du disparu, revivre ses derniers instants, être là, même quinze plus tard, pour comprendre l’indicible, acter la fin, imager son décès. Malgré la violence d’une telle reconstitution, il dessine une forme de reconstruction.


Les belles paroles, et le courage héroïque de ses femmes viennent s’abattre à la terrible réalité d’une Amérique latine qui cohabite toujours avec ses démons. La corruption en gangrène insoluble continue de punir les victimes par un protectionnisme nauséeux, toutes poursuites contre l’ex-président Uribe et son entourage militaire en charge des exécutions ont été classées sans suite. Aucune action judiciaire n’a été menée à ce jour, et l’unique dissident, un gradé de l’époque, est menacé de mort et sous protection policière quotidienne. L’avenir est encore à écrire, espérer réparation semble illusoire pour ces familles. Mais Felipe Monroy a choisi de documenter ses atrocités pour que jamais, la Colombie n’oublie son tragique passé dans un devoir de mémoire et de transmission.

Pierig Leray

Appréciations

Nom Notes
Pierig Leray 15