Trois Hivers

Affiche Trois Hivers
Réalisé par Michael Koch
Titre original Drii Winter
Pays de production Suisse, Allemagne
Année 2022
Durée
Musique Jannik Giger, Tobias Koch
Genre Drame
Distributeur Frenetic
Acteurs Michael Brand, Simon Wisler
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 897

Critique

Ayant représenté la Suisse aux Oscars de 2022, Drii Winter balaie la conscience du spectateur tel un coup de fœhn inspiré.

 

Parmi les crêtes helvétiques se love au creux d’une chaîne de montagne Uranaise le village d’Isenthal, isolé dans son théâtre de vert et de roche. C’est ici que vivent Anna (Michèle Brand), enfant du pays, et Marco, (Simon Wisler) natif de la plaine ayant récemment émigré en alpage pour travailler la terre et le bétail. Leur jeune idylle se meut au rythme des saisons où l’on arrange la montagne pour qu’elle reste fidèle à elle-même. Lui, ouvrier agricole tantôt à la ferme, tantôt fauchant l’herbe ou coupant le bois, finissant ses journées au bar sous le service de son amoureuse : mère célibataire, postière la journée et serveuse le soir. Ainsi est réglée la vie de ce jeune couple qui parle peu, mais se bécote avec une naïve tendresse. Le duo se marie dans la tradition locale, la sérénité semble planer sur ce premier acte aux fausses allures de téléfilm contemplatif imprégné d’un temps qui se traîne tandis que le regard s’accroche aux détails d’une image en 4:3 : riche et simple à la fois dans laquelle l’action s’orchestre parfois maladroitement. Le film est ponctué d’interludes, donnant sur un plan large au milieu de la montagne où un chœur entonne des cantiques à l’apparat liturgique, telle une ode au naturalisme venant casser le rythme général parfois apathique, à l’instar de la Suisse. Progressivement, l’action s’enraille lorsque Marco adopte un comportement inhabituel, affable, abattu ; on lui découvre une tumeur au cerveau, signant le début d’un 2e acte plus acide. Anna tente désespérément de soutenir son conjoint perdant peu à peu le sens de la réalité, marquant leur inéluctable descente aux enfers sous le jugement et l’indifférence communautaire. Ici réside une véritable intelligence narrative qui convertit un plausible fait réel en drame social, plongeant le spectateur dans une tension psychologique sans crier gare. Nous regardons la misère infiltrer l’atmosphère, arrachant tout espoir à ce couple démuni.

Le dernier acte signera lancinamment la libération des deux amants, apaisée par le vent.

Ce 2ème long-métrage du réalisateur Suisse Michael Koch apporte une nouvelle dimension à son œuvre, plus incisive, contrairement à son cinéma jugé jusqu’à présent bancal, pauvre dans sa forme scénaristique, voire un peu stéréotypé. Teinté de puissance, le réalisateur nous présente une nouvelle vision de l’ordre des choses avec un douloureux poème sur la vie qui s’échappe, une tragique pièce de théâtre en trois hivers, un commentaire sur la morale helvétique ; immuable, fermée, implacable sans jamais être frontale ; c’est ce qu’incarne Drii Winter dans une magnifique violence silencieuse.

Emilie Fradella

Appréciations

Nom Notes
Emilie Fradella 16