Le bleu du Caftan

Affiche Le bleu du Caftan
Réalisé par Maryam Touzani
Titre original Le bleu du Caftan
Pays de production France, Maroc
Année 2022
Durée
Musique Kristian Eidnes Andersen
Genre Drame, Queer cinema
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Missioui
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 897

Critique

Tissé avec beaucoup de délicatesse, le deuxième long métrage de la cinéaste marocaine explore l’esthétique du toucher comme vecteur d’une vision élargie sur l’intimité d’un couple supposé hétéronormé. Sur toile de fond de l’amour pluriel, le temps écoulé pour la confection du caftan bleu sera non seulement celui de la passation d’une tradition ancestrale, mais également celui d’une mort et d’une renaissance annoncées. 

 

Dans la très ancienne médina de Salé se trouve l’atelier d’Halim (Saleh Bakri), un maître artisan (maalem) de caftans traditionnels. Un jour, avec sa femme Mina (Lubna Azabal), atteinte du cancer, il accueille un jeune apprenti, Youssef (Ayoub Missioui), à qui il transmettra sa passion du métier et son savoir-faire. L’arrivée de cet homme au sein du couple dévoilera une profonde histoire d’amour non conventionnelle et un secret coupable et bien gardé : celui de l’homosexualité d’Halim.

Habitée par des silences et des non-dits, l’œuvre de Maryam Touzani est ponctuée de regards émouvants et d’effleurements épidermiques d’une grande pudeur. La noblesse des gestes se conjugue avec celle des sentiments, comme le fil d’or de la broderie s’harmonise avec la couleur du caftan. La force du film réside dans le tissage d’une sensibilité esthétique qui unit la vue et le tactile. Le toucher du tissu est celui de la peau, mais également celui plus abstrait qui nous permet d’accéder aux pensées de Mina, d’Halim et de Youssef. Ainsi, le caractère haptique du film nous rapproche à la fois de la matérialité des corps et du subconscient des personnages. À l’égale de la caméra, la main du maître artisan devient le révélateur de son intériorité. L’immersion dans l’intimité du couple est une plongée dans le bleu pétrole, car le choix chromatique particulier du caftan démontre de ce fait la singularité de leur relation. De la profondeur de ce bleu émergent la fragilité et la gravité d’Halim, de même que la force et la résilience de Mina. Les plans majoritairement serrés expriment tous les mots étouffés et l’autre vie d’Halim à peine évoquée, dissimulée dans le hors-champ. À eux deux, dans leur modeste logis, ils renversent le modèle patriarcal et « redéfinissent l’amour ». Le chant du muezzin se mêle parfois au péché. Pourtant, la foi certaine de l’épouse n’entrave en rien le lien qui l’attache à son époux homosexuel. Dans l’obscurité de l’atelier, Youssef et Halim confectionnent ensemble un caftan richement orné qui symbolisera la renaissance de ce dernier, représentée par le plan général final (le seul, par ailleurs). De telle manière que l’élargissement du cadre signifie également l’émancipation d’Halim de son carcan social.

Plusieurs fois primé (et à très juste titre), Le bleu du caftan est d’abord un film engagé. Il est un acte de courage qui demeure, non pas une simple dénonciation de l’article 489 du Code pénal marocain qui sanctionne l’homosexualité, mais une démonstration très délicate d’un amour profond qui va au-delà des conventions genrées et de tout jugement moral. Ici, l’homme pleure et la femme se bat. Et malgré la cicatrice qui traverse le cœur de Mina (cicatrice autant symbolique que corporelle), elle est « le roc qui a effacé les blessures du passé » d’Halim. La beauté et la finesse du jeu de l’acteur Saleh Bakri ainsi que le geste artistique psycho-esthétique de Maryam Touzani sont à eux seuls des motifs plus que convaincants pour découvrir ce film.



Kim Figuerola

Appréciations

Nom Notes
Kim Figuerola 17