La Femme de Tchaïkovski

Affiche La Femme de Tchaïkovski
Réalisé par Kirill Serebrennikov
Titre original Zhena Chaikovskogo
Pays de production Russie, Suisse, France
Année 2022
Durée
Musique Daniil Orlov
Genre Biopic, Historique
Distributeur Xenix
Acteurs Filipp Avdeyev, Odin Lund Biron, Alyona Mikhailova
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 894

Critique

L’histoire a retenu de la femme du célèbre compositeur russe Tchaïkovski qu’elle était une imbécile heureuse indigne du génie de son mari. Kirill Serebrennikov propose une vision moins unilatérale de la vie de cette épouse qui a dû apprendre à rester dans l’ombre et le mépris d’un homme qu’elle aimait éperdument.

 

On ne présente plus Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), immense compositeur russe dont la carrière fut couronnée de succès, mais également marrée d’épisodes dépressifs extrêmes. Sa dépression chronique a sans nul doute nourri le mythe du génie maudit qui sacrifie un petit morceau de son âme à chacune de ses compositions et Serebrennikov a décidé de se plonger plus en détail sur les raisons de sa neurasthénie. Or il se trouve que l’une des raisons principales invoquée par Tchaïkosvki lui-même et qui a été souvent retenue par les biographies est celle de son mariage raté avec Antonina Miliukova (Alyona Mikhailova). L’Histoire étant écrite comme on le sait, on préfère se concentrer sur les Soleils davantage que leurs satellites et Antonina est devenue le bouc émissaire de tous les maux du compositeur. Mais le cinéaste russe se pose la question, juste, de savoir si l’anathème univoque au sujet de cette femme a quelconque mérite. Et pour ce faire, il s’est plongé dans les mémoires de celle-ci, ainsi que ses lettres, et toutes les sources qu’il a pu chiner.


Véritable travail donc de biographie que cette réalisation, dont la plupart des répliques sont des citations directes des personnages, tous réels. Serebrennikov s’est évidemment arrogé le droit de maquiller quelque peu la réalité des faits afin de condenser en 140 minutes trente années d’histoire. Le portrait qu’il en livre n’est ni celui d’une mégalomartyre ni d’une épouse dévote et dévouée aveuglément à son mariage. À la manière d’un thriller psychologique, le personnage d’Antonina se développe au fil de l’intrigue qui montre un Tchaïkovski de plus en plus violent et méprisant : d’une jeune femme naïve à une manipulatrice très au fait des codes de la société masculiniste dans laquelle elle évolue. Adultère, infanticide, antisémite, Antonina nous est montrée sous tous ses traits, même les plus difficiles. Une femme complexe qui a dû se construire face au rejet d’un mari qui n’osait pas lui avouer son homosexualité.


Difficile de ne pas être fasciné devant tant de déchéance et de misère humaine, montrée dans ses détails les plus grotesques. Entre le firmament immaculé où brillait Tchaïkovski et les bas-fonds souillés des rues moscovites, Serebrennikov filme la catabase d’un amour voué depuis ses débuts à l’échec. Il joue de cette dichotomie pour composer ses longs plans majestueux à l’aide de lumières et de compositions recherchées, manifestement empreintes de son métier de metteur en scène pour le théâtre. Mais, justement, cette recherche d’effets visuels a tendance à tomber parfois dans la coquetterie, et la musique omniprésente dans la bande sonore (au détriment de sons) surgit plus souvent pour appuyer l’émotion d’une scène que pour en offrir un contrepoint. Et ce faisant, le film oscille constamment entre l’art subtil de la retenue et celui plus bariolé du mélodrame.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 14