Le Long Voyage de J.

Affiche Le Long Voyage de J.
Réalisé par Matteo Tortone
Titre original Mother Lode
Pays de production France, Italie
Année 2021
Durée
Musique Ivan Pisino
Genre Documentaire, Drame
Distributeur C-Side Film
Acteurs José Luis Nazario Campos
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 893

Critique

Jorge (José Luis Nazario Campos) vit à Lima et est conducteur de moto-taxi. Lorsque son véhicule rend l’âme, il part dans la cité minière de La Rinconada, sur la cordillère des Andes péruvienne, pour y trouver du travail. Rêvant de faire fortune, le jeune homme de 21 ans ne réalise pas l’ampleur des sacrifices qui l’attendent.

 

Située à plus de 5 000 m d’altitude, La Rinconada est considérée comme la ville la plus haute du monde (« la plus proche du ciel », disent les locaux). Au départ simple campement de chercheurs d’or, plus de 60 000 habitants y vivent aujourd’hui. Une extension massive due à l’explosion du prix du précieux métal ayant ameuté un grand nombre de travailleurs à la recherche d’un eldorado fantasmé. Mais la réalité y est tout autre. Développée bien trop rapidement pour avoir des infrastructures dignes de ce nom, la ville est un dédale de baraquements en tôle ondulée — sans service de ramassage des déchets, systèmes d’évacuation des eaux ou routes carrossables — qui se transforme en un bourbier pestilentiel dès que le dégel de la mi-journée survient.


Laissant derrière lui sa femme et sa fille, c’est dans ce lieu de fascination et de dégoût que débarque Jorge. Avec pour fond sonore les détonations des explosions qui entaillent la montagne, le jeune homme déambule dans les rues boueuses. Une chambre, inévitablement insalubre, lui est proposée, puis un emploi. Dans des conditions extrêmes (l’altitude et le manque d’oxygène sont considérés comme la limite de la résistance humaine), il découvre le quotidien des travailleurs dont il fait dorénavant partie. Aux journées dans la mine à se ruiner la santé (à l’effort physique s’ajoutent des produits toxiques tels que le mercure ou le cyanure avec lesquels le minerai est traité) font suite l’ivresse des bars et la prostitution (une croyance stipule que la chance serait plus favorable aux mineurs qui boivent beaucoup et ont des relations sexuelles), puis la solitude que l’isolement empêche de combler…


À la lisière entre le documentaire et la fiction, Mother Lode se concentre sur le parcours de Jorge pour raconter l’histoire d’une multitude d’hommes (et de femmes, souvent relayées aux tâches les plus viles). Dans son superbe noir et blanc accentuant le contraste entre l’obscurité de la mine et la pâleur extérieure (du glacier d’Ananea surplombant la ville au ciel laiteux), le film est une immersion saisissante dans un enfer sur Terre. Un enfer où certains sont prêts à nouer un pacte avec le diable (« El tio de la mina », surnom du malin à qui, d’après la légende, l’or appartient) et à sacrifier leur vie (et peut-être même celle d’autrui…) pour tomber sur la « veine mère » (terme donnant son titre au documentaire), ce filon aurifère principal qui augurerait de toutes les richesses rêvées. Cette richesse représentée par un métal invisible, présent tout au long du film uniquement par son évocation, faisant son apparition lors d’un dernier plan à la symbolique puissante et mystérieuse.

Marvin Ancian

Appréciations

Nom Notes
Marvin Ancian 15