Armageddon Time

Affiche Armageddon Time
Réalisé par James Gray
Titre original Armageddon Time
Pays de production USA
Année 2022
Durée
Musique Christopher Spelman
Genre Drame
Distributeur CityClub Pully
Acteurs Anthony Hopkins, Anne Hathaway, Jeremy Strong, Banks Repeta, Jaylin Webb
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 892

Critique

Avant Spielberg (The Fabelmans), après Paul Thomas Anderson (Licorice Pizza), James Gray interprète à son tour ses souvenirs d’enfance par la trajectoire ondoyante du jeune Paul, perdu entre son devoir de réussite et son désir d’évasion d’une Amérique reaganienne boursouflée par l’appât du gain et le racisme nauséabond. Gray livre ici son long métrage le plus intime, sidérante fable nostalgique, sublime devoir de mémoire, grand par son épure, immense par sa lecture. «N’oublie pas ton passé.»

Il y a tout d’abord cette rencontre en classe entre Paul et un gamin noir délaissé en fond de classe, Johnny. Pauvre et déclassé, il est méprisé par le professeur qui ne cesse de l’humilier dans un racisme sourd mais qui crève les yeux. De cette confrontation avec l’antagonisme naîtra sa capacité à s’opposer à l’autoritarisme idiot, renier la bêtise du monde adulte, savoir dire non et relever la tête face à toute forme d’inégalité. Le racisme contre les Noirs (à travers Johnny donc), l’antisémitisme (raconté par la famille juive de Paul), la pauvreté (son passage d’école publique à privée), l’argent comme unique valeur, que vient symboliser la famille Trump et cette terrible phrase de la mère: «Des gens sont plus riches que Dieu». C’est là toute la beauté tragique de cette période où la crainte de fin du monde (Armageddon Time) fait éclore un destin unique et rêveur, celui d’un gamin du Queens touché par Kandinsky, osant enfin s’émanciper d’un carcan sociéto-parental oppressif et inégalitaire.

Le grand-père de Paul (joué par le magistral Anthony Hopkins) jouit d’un rôle central dans l’éveil de conscience de ce dernier. Il l’aiguille comme un ange gardien quasi invisible, fantôme bienfaiteur dans cette éblouissante photographie de Darius Khondji finement étudiée. Son discours combattant de ne jamais baisser les bras (hérité de sa mère qui avait vu ses parents poignardés devant elle), son respect pour l’humain (il a été le seul à soutenir son fils, donc le père de Paul, malgré son origine prolétarienne), son refus catégorique de toute forme de xénophobie (lors de ses dernières paroles sur le banc). Et ce, jusqu‘à son apparition finale post-mortem au pied du lit de Paul en signe de l’éternel («n’oublie pas ton passé»).

La grandeur d’Armageddon Time ne vient donc pas de sa mise en scène grandiloquente, d’une performance d’acteur hors norme, mais bien de son authenticité, son humanité qui déborde du cadre, de cette capacité infinie de Gray à filmer l’humain par le prisme du doute et du questionnement, plutôt que par le judas de l’orgueil et des préjugés.

Pierig Leray

Appréciations

Nom Notes
Pierig Leray 18