Aucun ours

Affiche Aucun ours
Réalisé par Jafar Panahi
Titre original Khers nist
Pays de production Iran
Année 2022
Durée
Genre Drame
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Jafar Panahi, Narges Delaram, Naser Hashemi, Vahid Mobasheri, Bakhtiyar Panjeei, Mina Kavani
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 891

Critique

Tourné illégalement, Aucun ours a remporté le Prix spécial du Jury à Venise. Malheureusement en l’absence de son réalisateur, condamné à six ans de prison début 2022 pour avoir brisé son interdiction de faire des films. Œuvre métanarrative au possible, la réalisation aborde les problèmes de Panahi et le pouvoir des superstitions.

                                                

Alors qu’il a défense de quitter l’Iran et de travailler, le réalisateur Jafar Panahi tourne son prochain film (une histoire d’amour sur fond de fuite en Europe) à distance, en Turquie. Il décide de résider dans un petit village frontalier afin d’être plus près de l’action. Lorsqu’il ne donne pas de consignes à son assistant via Skype, Panahi photographie les environs. Mal lui en prend, car bientôt, les villageois le harcèlent pour récupérer un mystérieux cliché censé montrer l’amour interdit d’un jeune couple, la femme étant déjà liée à un autre par une ancienne tradition...

                   

Le titre du film, Aucun ours, fait penser à l’une des didascalies les plus célèbres (notamment pour son absurdité) de William Shakespeare, issue de la pièce The Winter’s Tale: «Exit, pursued by a bear» (Il s’en va, poursuivi par un ours). Mais on peut également évoquer une autre fameuse citation du dramaturge anglais extraite d’As You Like It: «All the world’s a stage, And all the men and women merely players» (Le monde entier est un théâtre, et les hommes et les femmes ne sont que des acteurs). Cette dernière illustre bien la dimension métanarrative de la réalisation de Panahi: non seulement nous avons affaire à une mise en abyme (un film dans le film), mais plusieurs personnes, dont le réalisateur, jouent des versions fictionnalisées d’elles-mêmes. Nous pouvons tout de même noter de fortes ressemblances avec la réalité, puisque Panahi est effectivement privé de quitter son pays. Des parallèles peuvent également être tirés entre les histoires d’amour dépeintes: toutes deux sont empêchées par des obstacles, légaux ou sociaux, comme Panahi (le vrai) est contraint par des interdits, liés à ses accusations de propagande anti-régime en Iran. Aucun ours critique ainsi par un moyen détourné, en mêlant réalité et fiction à plusieurs niveaux, la censure que vit son cinéaste.

                   

Ce flou entre la réalité et la fiction (à prendre cette fois-ci dans le sens d’une vérité qu’on se crée) se reflète également dans le dialogue où figure la mention des ours. Effrayé à l’idée d’en rencontrer dans les bois qu’il doit traverser, Panahi s’enquiert auprès d’un homme qui lui explique qu’il n’y a en fait pas d’ours, que ce sont des histoires racontées pour tenir la population hors de la forêt. Cette réplique se situe en décalage avec le reste du film, qui montre une foi et une application totale des villageois quant à leurs traditions. C’est ici le seul moment où une croyance est remise en question et non prise à la lettre, ce qui mène plusieurs fois à la violence. Comme un hommage à la didascalie shakespearienne, le cinéaste dénonce l’absurdité de cet endoctrinement, le pouvoir écrasant des superstitions, mais aussi des récits. Ceux de Panahi sont peut-être même un peu trop puissants pour son propre bien, mais espérons qu’il pourra recommencer à nous en livrer à l’avenir.

                                   

    

Amandine Gachnang

Appréciations

Nom Notes
Amandine Gachnang 16