Les Huit Montagnes

Affiche Les Huit Montagnes
Réalisé par Felix Van Groeningen, Charlotte Vandermeersch
Titre original Le Otto Montagne
Pays de production Italie, Belgique, France
Année 2022
Durée
Genre Drame
Distributeur DCM
Acteurs Filippo Timi, Luca Marinelli, Alessandro Borghi, Elena Lietti, Elisabetta Mazzullo, Lupo Barbiero
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 891

Critique

Après son succès en librairie, Les Huit montagnes de l’écrivain Paolo Cognetti se transpose sur grand écran. Cette adaptation, signée par le couple de cinéastes belges flamands (on leur doit aussi Alabama Monroe en 2012), raconte avec élégance et subtilité une histoire d’amitié, forgée dans le paysage rocailleux du val d’Aoste. À noter que ce long métrage a décroché le Prix du Jury ex aequo au Festival de Cannes.

                                   
                                                

Les Huit montagnes, c’est l’histoire de deux jeunes garçons qui deviennent des hommes. C’est aussi le récit d’une quête: celle de trouver sa place dans le monde. Les choix différents qu’ils font dans la vie les inspirent; ils sont comme un miroir l’un pour l’autre, qui les pousse à s’interroger sur ce qu’ils veulent vraiment dans la vie.

                   

Cette amitié s’enracine dans l’insouciance et la liberté de l’enfance. Lors de vacances d’été dans un village de montagne, Pietro, garçon de la ville de 11 ans, fait la connaissance de Bruno, le dernier enfant de Grana, bourgade qui comptait 183 habitants avant la construction de la route, et qui n’en dénombre plus que 14 désormais. Un monde les sépare; une course-poursuite dans les hautes herbes leur suffit pour se créer un royaume dans ce coin caché des Alpes. L’adolescence viendra néanmoins creuser un fossé social entre les deux jeunes hommes, entre le citadin intellectuel et le montagnard prolétaire. Une vision peut-être peu nuancée, mais qui reflète bien cet âge de l’entre-deux, aux idées parfois radicales et arrêtées.

                   

La vie les éloigne, sans pouvoir les séparer complètement. La disparition de la figure paternelle leur permettra de se retrouver et de reconstruire leur lien. La rénovation d’un vieil alpage, legs du père de Pietro (la pépite du cinéma italien, Luca Marinelli), chantier qu’ils entreprendront le temps d’un été, cimentera leur attachement mutuel. Cette saison leur sera douce, les non-dits seront poncés et les incompréhensions assouplies. Une reconstruction silencieuse, dans cet univers entre le gris de la roche et le vert des pâturages, où la parole se fait rare, mais où tant est dit. La renaissance de cette amitié s’incarne par ce chalet de la réconciliation, la Barma Drola. Tandis que Bruno (Alessandro Borghi, l’autre star de sa génération en Italie) fonde une famille dans son village de montagne, Pietro parcourt des cimes plus lointaines, au Népal notamment. Il finit toujours par revenir à ce lieu qu’il considère comme un refuge et le domicile de leur amitié.

                   

Dans cet univers montagnard masculin et taiseux, les images de Rubens Impens (directeur de la photographie) magnifient la montagne, catalyseur de cette amitié, et véritable personnage en soi, tant sa place est prépondérante dans les liens unissant les personnages à ce paysage. Le format carré se prête particulièrement bien à ce monde tout en verticalité, qui, loin d’engoncer les personnages, ouvre leur horizon. En comparaison, le quotidien citadin de Pietro s’exprime à travers une autre verticalité, celle des immeubles, qui, cette fois, expriment l’enfermement et l’aliénation de sa famille à Turin, cité industrielle. Il serait toutefois injuste de prêter à ce long métrage un discours simpliste et idéaliste sur une nature hédoniste, à laquelle aspirent tous les citadins en manque de sens. Les aspects tant romantiques que mélancoliques de la montagne sont explorés, comme sa réalité dangereuse et sans pitié.

                   

En plus de cette qualité photographique, il faut aussi souligner l’écriture subtile des personnages, qui ne se dévoilent pas par leur parole, mais au travers de gestes et de détails. Cette pudeur, loin de créer un vide, renforce l’importance de petits gestes anodins, comme un regard échangé, le partage d’eau-de-vie. Ces petits riens témoignent de l’attachement et de l’affection que des mots ne sauraient décrire. Avec Les Huit montagnes, il faut savoir écouter (et apprécier) le silence. Ce film nous offre une immersion contemplative, avec, en filigrane, de vraies questions existentielles.

                                   

    

Noémie Desarzens

Appréciations

Nom Notes
Noémie Desarzens 18