Après la réconciliation

Anne-Marie Miéville, Jean-Luc Godard, le couple rollois est indissociable. Même grammaire cinématographique, même exigence de qualité, même recherche du raffinement sans préciosité. Même rejet de la facilité, même lenteur, même obstination à tracer un sillon d'une parfaite netteté.

Dans le public, il y a ceux qui aiment, et ceux qui n'aiment pas. Je suis des premiers, envers et contre tout. C'est du cinéma intellectuel (parmi les auteurs cités: Jacques Chardonne, Martin Heidegger, Friedrich Hölderlin, Philippe Jaccottet, Fernando Pessoa), élitaire dans ses choix musicaux (notamment Arvo Pärt, Dimitri Chostakovitch, Keith Jarret), sans concession à certaines guignolades. Certes. Mais quel régal, mais quel traitement somptueux et jubilatoire de l'image - et de la parole!

Après un générique rappelant le court métrage de Godard présenté en ouverture du dernier Festival de Cannes, filmé à la diable en caméra numérique et gonflé en gros grain, on suit deux femmes, dont l'une en costume Louis XVI, cheminant sur une longue allée bordée d'arbres. Longueurs à l'image de ce chemin, puis l'action prend du nerf. Une femme, Cathos (Claude Perron, déjà appréciée par Albert Dupontel), entreprend de séduire Robert (Jean-Luc Godard tel qu'en lui-même, aussi irrésistible que son cadet de cinq ans Woody Allen), ce qui donne lieu à des scènes doucement hilarantes. L'apparition d'Arthur (Jacques Spiesser, dont la filmographie très éclectique mériterait à elle seule tout un paragraphe) apporte un piment supplémentaire.

Loin des productions qui se croient obligées d'infliger deux heures de grand huit, une gourmandise pour cinéphiles gastronomes.