Annie Colère

Affiche Annie Colère
Réalisé par Blandine Lenoir
Titre original Annie Colère
Pays de production France
Année 2022
Durée
Musique Bertrand Belin
Genre Comédie dramatique
Distributeur Agora
Acteurs Laure Calamy, India Hair, Zita Hanrot, Damien Chapelle, Yannick Choirat, Rosemary Standley
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 890

Critique

Annie, mère ouvrière de deux enfants, décide d’avorter, à une époque où il est encore illégal de le pratiquer. Elle rejoint le MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), décision fondatrice d’un basculement de paradigme: le tablier qui ornait son quotidien se transformera en blouse blanche, la prédestination d’un sort dicté par les hommes bouleversée par l’appropriation physique et culturelle de son corps de femme.

On retrouve l’écriture vivifiante de mesure d’Axelle Ropert (réalisatrice du formidable Petite Solange en 2021) engagée avec la caméra toujours à juste distance de Blandine Lenoir (du réussi Aurore en 2017) pour une première heure magistralement menée: la dureté physique de l’avortement, les larmes de joie d’une libération de domination, la liberté du choix, l’affranchissement du poids des hommes. Il y a de la compassion sans mièvrerie, de la politique sans grandiloquence, les discours sont intimes et non clamés, on susurre une révolution plus qu’on s’égosille de belles paroles (réservées ici aux jeunes médecins à l’idéal révolutionnaire adolescent). L’acte (l’avortement ici filmé, dessiné, expliqué) est au-dessus des mots, fondation de l’indépendance corporelle des femmes. Par le destin parfois tragique de ces femmes (près de 5'000 décès par avortement illégal en 1974) se construit alors le futur de toutes les autres. Un futur bâti dans la tendresse et l’écoute, la pédagogie, la sororité sans failles, le soutien inébranlable face à toute violence. Et de cette bienveillance désintéressée et humaniste naît le futur d’une Annie solaire, rayonnante de bonté par les traits engagés de la merveilleuse Laure Calamy.

La deuxième heure pâtit de sa longueur, l’intensité suffocante s’éteint dans une mise en scène répétitive et forcée. Mais l’on retiendra avec stupeur interrogatrice l’ultime discours d’Annie avant la dissolution de son groupe. La loi Veil est adoptée, et avec elle l’aboutissement illusoire du combat. Car le gouvernement vient de s’offrir une mise au silence par la légalisation de l’avortement: les technocrates et la bienséance médicale, et derrière eux, le patriarcat vivace ratifient le geste avec des astérisques, mais jamais ne se hisseront à hauteur de femmes. Et Annie voit dans cette évolution factuelle, une non-révolution. Elle est parfaitement consciente des combats futurs, prédisant avec habileté une déshumanisation de la médecine (les femmes souvent seules avec leurs pilules) et d’un monde en marche arrière («et si dans 20 ans ce droit nous est retiré?» demande-t-elle), porte-parole de toutes les femmes à ne jamais s’habituer à la victoire, mais de perpétuellement continuer le combat égalitaire.


Pierig Leray

Appréciations

Nom Notes
Pierig Leray 15