Les Bonnes étoiles

Affiche Les Bonnes étoiles
Réalisé par Hirokazu Kore-eda
Titre original Beulokeo
Pays de production Corée du Sud
Année 2022
Durée
Genre Drame
Distributeur Ascot Elite
Acteurs Song Kang-Ho, Doona Bae, Dong-won Gang, Ji-eun Lee, Joo-young Lee
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 890

Critique

Prix du Jury œcuménique et Prix d’interprétation masculine à Cannes

La famille, les liens du cœur, les regrets, le sentiment de culpabilité, tels sont les thèmes que Kore-eda décline invariablement depuis plusieurs années, en sachant toujours être original et novateur. Son œuvre est passionnante, avec des réussites merveilleuses telles que Notre petite sœur ou Une affaire de famille. Très attendu après son passage triomphal à Cannes, Les Bonnes Etoiles arrive et... déçoit.

Très attendu en effet, car Kore-eda a réussi, grâce à son talent, à devenir un réalisateur emblématique de son pays, mais aussi à faire quasiment à chaque fois l’unanimité du public, de la critique et des festivals internationaux. À tel point que le prestige de son nom dépasse presque celui de son cinéma. Aujourd’hui, on va voir «le nouveau Kore-eda» comme on attend «le prochain Woody Allen» ou à l’époque «le prochain Hitchcock». Mais ce statut agréable est également à double tranchant. Lorsqu’on est tant attendu par des spectateurs persuadés qu’ils vivront un moment rare et bouleversant, peut-être est-on moins enclin à les brusquer, à se renouveler et à prendre un ou deux risques. D’où l’ennui occasionnel et le sentiment de déjà-vu qui surviennent lors de la vision de Broker. L’impression aussi que le soin porté à l’ambiance, à l’atmosphère, a empêché le réalisateur de se concentrer suffisamment sur l’histoire et les personnages.

Il pleut à verse sur la ville. Une jeune femme s’approche d’une «boîte à bébé» et y laisse son nouveau-né, avec un billet précisant que ce n’est que pour deux ou trois jours. Avant que le bébé soit récupéré par les employés de l’orphelinat, il est kidnappé par deux hommes, tenanciers d’un pressing, qui parcourent le pays afin de vendre à des parents qui souhaitent adopter des nourrissons qu’ils trouvent dans cette boîte. La jeune maman parvient à retrouver ces deux hommes et se lancera avec eux dans un périple à la recherche de la famille d’adoption parfaite. Le petit groupe sera suivi par deux jeunes et étranges policières.

Peut-être est-ce l’aspect road movie du film, bien qu’il ne soit pas non plus outrageusement trépidant, qui a empêché Kore-eda de creuser ses personnages. Leurs réelles motivations, leur histoire, leur passé, restent dans le flou trop longtemps pour que l’on s’attache réellement à eux. Bien sûr, lorsqu’on apprend que l’argent récolté par ces deux trafiquants leur sert à parrainer un orphelinat, l’émotion propre à Kore-eda éclate d’un seul coup. Mais dommage que le cinéaste, qui avait toujours réussi à résister à la tentation du surlignage, appuie avec des plans trop nombreux de gouttes d’eau sur une main, de caresses sur des visages accompagnés d’une musique sucrée, comme s’il avait besoin de nous dire quand être touchés. C’est cela le plus surprenant. Dans ce film, pour la première fois, la lenteur devient manque de rythme, l’émotion devient tire-larmes, la sobriété devient paresse. Et les bons sentiments, qui ont fait de Notre petite sœur un chef-d’œuvre, finissent presque ici par être lassants. Tout cela est évidemment un frein à l’intérêt soutenu et à l’investissement émotionnel du spectateur.

Le film bénéficie toutefois de points forts. Une magnifique mise en scène, de superbes images, et, comme d’habitude, des comédiens parfaitement choisis et dirigés. Song Kang-ho, vu dans le spectaculaire Parasite, fut d’ailleurs récompensé cette année à Cannes. Deux personnages secondaires, la jeune maman et la policière, sont réellement intéressants. L’humour ne manque pas, la sincérité non plus. Kore-eda n’a pas perdu toutes les qualités qui font de lui un grand raconteur d’histoires et un cinéaste inspiré. Simplement, peut-être a-t-il voulu cette fois trop en faire ou, à l’inverse, s’est-il reposé sur ses lauriers.

Philippe Thonney

Appréciations

Nom Notes
Philippe Thonney 11