Une maison avec vue sur la mer

Affiche Une maison avec vue sur la mer
Réalisé par Alberto Arvelo
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 434

Critique

"Ce drame latino-américain a la densité de la terre grasse, la force cinglante des fortes pluies des Andes, une grande richesse symbolique, dans un emballage timidement classique.

Le titre, pétri d'ironie, est la clé principale du film. Evidemment, pas la plus petite trace de mer véritable dans ce récit juché sur les hauts plateaux vénézuéliens: sauf sur une photo esquintée par le temps et sur une toile qu'un photographe ambulant - autre clé du film - propose comme paysage de fond à ses clients.

L'histoire est simple. Elle se situe dans les années cinquante: Tomas Alonso, petit paysan pauvre, exploite une terre pour le compte d'un propriétaire méprisant, Don Homero. Les misères s'accumulent sur Tomas. Sa femme meurt et il doit désormais élever seul son fils Santiago dans la rudesse du climat et des conditions de vie des Andes. Peu de temps après, les fils jaloux de Don Homero provoquent Santiago. Se défendant contre ses perfides agresseurs, celui-ci se voit injustement accusé et tancé par le propriétaire sous les yeux mêmes de Tomas qui reste paralysé.

C'est la charnière du film: parmi les rares paroles qu'échangent Tomas et Santiago, il y a la question du fils: ""Me défendras-tu si on m'attaque injustement?"" Dans ses yeux, la question est bien plus large, existentielle: ""Jusqu'où l'injustice - qui me retire mes propres bottes - pourra-t-elle se prolonger avant que tu ne bouges?"" A la violence psychologique, Tomas répond par un geste radical. Il tue Don Homero d'un coup de couteau. A la fois geste politique et preuve d'amour paternel.

La force de ce récit réside dans sa capacité de nous captiver sur plusieurs plans qui sont subtilement juxtaposés: l'histoire concrète (la vie quotidienne dans les champs ou à la maison, la fête au village, la passion naissante de Santiago pour une fille, les conséquences du geste de Tomas et le dénouement de l'intrigue); le récit de la relation père-fils et le passage initiatique pour Santiago de l'enfance à l'âge adulte; enfin, le ""discours"" sur la liberté dont les enjeux touchent l'ensemble des acteurs de cette petite société.

De grands leviers symboliques donnent à ces trois somptueuses étoffes d'amples mouvements: la mer (chère aux hommes libres, nous a dit Victor Hugo) et le bateau; le photographe ambulant (à la fois mémoire du peuple, personnification de la culture, témoin lâchement muet devant l'injustice mais aussi détenteur de sagesse, de compassion et - finalement - dispensateur de vie); le violon de Tomas, révérence magnifique à l'Art, en plein cœur de l'univers agraire.

Le récit s'écoule paisiblement, avec des paroles plus souvent prononcées par les yeux que par les bouches. A la fin de la projection subsiste en revanche le sentiment d'un contenu qui emprunte des structures cinématographiques assez classiques, parfaitement maîtrisées certes, mais sans grande originalité formelle. Reste aussi, bien vivante, cette grande question: pourquoi le dialogue n'a-t-il pu s'instaurer, avoir lui aussi sa chance avant le coup de couteau vengeur?"

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