Bones and All

Affiche Bones and All
Réalisé par Luca Guadagnino
Titre original Bones and All
Pays de production Italie
Année 2022
Durée
Musique Atticus Ross, Trent Reznor
Genre Thriller
Distributeur Warner Bros.
Acteurs Michael Stuhlbarg, Mark Rylance, Timothée Chalamet, Taylor Russell McKenzie, Andre Holland, Madeleine Hall
Age légal 16 ans
Age suggéré 18 ans
N° cinéfeuilles 890

Critique

Après Call Me by Your Name, Luca Guadagnino poursuit avec Bones and All son travail sur le désir et ses limites, dans un film qui, s’il perturbera sans doute les âmes sensibles au gore, choquera aussi certainement celles et ceux pour qui les principes moraux ne peuvent être soumis à l’équivoque. 


L’œuvre, à la photographie impeccablement nostalgique, prend place dans le Midwest rural des années 80 à l’atmosphère teintée d’intolérance et de pauvreté qui donne consistance à l’histoire, puisque les événements qui s’y déroulent sont juste assez incongrus pour paraître cohérent dans un passé presque présent. Moitié fuite en avant à la Thelma et Louise, moitié récit d’apprentissage, le film suit Maren (Taylor Russel) et Lee (Thimothée Chalamet) dans un road trip amoureux et sanglant, à la recherche d’une possibilité d’être radicalement soi. En effet, comment se supporter lorsqu’on est cannibale ?


Dans la fiction proposée par Guadagnino, certains individus naissent avec l’irrépressible besoin de dévorer d’autres humains. Ces derniers, en grandissant, cessent progressivement d’être protégés par leur entourage qui jusque-là tentait à la fois d’endiguer leur désir coupable et de couvrir les assassinats barbares qui en résultaient. Condamnés à mener une existence marginale, ils sont cependant dotés d’un odorat particulièrement sensible qui leur octroie la faculté de reconnaître leurs semblables, et de parfois se regrouper. Cette astuce scénaristique permet au réalisateur de proposer trois issues possibles au problème de la passion détraquée — comme pourrait être une paraphilie ou une addiction — que symbolise ici le cannibalisme : le cynisme, la folie ou l’amour sans condition.


On s’en doute, c’est la troisième voie qui conduira les deux protagonistes, sinon à résoudre l’énigme de leur perversion, du moins à comprendre que la genèse de celle-ci les dépasse et d’admettre que leur responsabilité repose à présent dans la gestion de ce qui se trouve être au moins en partie un héritage. En effet, l’un et l’autre saisissent au fur et à mesure de leur parcours initiatique que le goût de la chair humaine leur vient d’un parent qui dysfonctionne. On retrouve bien sûr ici le thème du traumatisme intergénérationnel et de ses conséquences, si souvent exploré dans nos fictions contemporaines, mais sans le vernis moral dont elles sont généralement recouvertes. En fin de compte, il est difficile de dire que les deux héros s’en sortent avec une meilleure gestion d’eux-mêmes et un rapport sain à leurs désirs. L’essentiel est définitivement ailleurs, dans le message amoral, romantique et tragique que délivre le réalisateur.


Ce sont ces qualités qui, au-delà des scènes explicitement gores, mais finalement allégoriques, que sont les passages à l’acte cannibales, devraient marquer le plus les esprits. Si l’amour suffit d’une certaine manière à racheter Maren et Lee pour la société, qui deviendront « des gens normaux pour un temps », c’est aussi à la fois ce qui les perd et ce qui paradoxalement aura rendu leur existence digne d’être vécue. Dans le roman dont est inspirée l’histoire, Maren ne mange que celles et ceux pour qui elle éprouve de l’affection, un trait qui sera largement gommé du scénario de Guadagnino, mais qui transparaît néanmoins dans tout le film.

Justine Favre

Appréciations

Nom Notes
Justine Favre 17