R.M.N.

Affiche R.M.N.
Réalisé par Cristian Mungiu
Titre original R.M.N.
Pays de production Roumanie, France
Année 2022
Durée
Genre Drame
Distributeur Cineworx
Acteurs Judith State, Marin Grigore, Macrina Bârlădeanu, Orsolya Moldován, Andreï Finti, Mark Blenyes
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 889

Critique

Un titre peu explicite pour un long métrage riche et complexe, interrogeant avec acuité la réalité du monde roumain d’aujourd’hui. R.M.N. (sigle roumain pour IRM, Imagerie par résonance magnétique) se présente en effet comme une sorte de radiographie de la Roumanie, s’inspirant d’un événement réel que le cinéaste a lui-même vécu, en janvier 2020, en Transylvanie.

Le réalisateur Cristian Mungiu part d’un incident mineur, une réaction xénophobe survenue dans le petit village de Rimetea où des habitants tentent de sauvegarder la culture spécifique de leur région, menacée à leurs yeux par les traditions hongroises, allemandes ou françaises. Une bonne partie de la population se montre très réservée et fermée face aux membres des communautés non roumaines et, de façon générale, face à tout étranger considéré a priori comme un ennemi potentiel dangereux: on citera l’exemple d’un membre d’une ONG œuvrant pour la défense des nombreux ours présents dans les forêts voisines et qui, parce qu’il parle français, va s’attirer de virulentes critiques. Dans ce village, chaque fois que quelque chose tourne mal, on cherche bien sûr un coupable parmi ceux qui ne sont pas originaires de la région.

On découvre par ailleurs que les habitants des lieux sont souvent angoissés par des informations qu’ils reçoivent sur le réchauffement climatique, sur l’immigration (ou l’émigration) latente ou sur les limitations de plus en plus évidentes des ressources naturelles. L’avenir s’annonce difficile, chacun s’affole dès que l’on parle de collectivité, dès que l’on est séduit par les idées d’un individu. Trois employés sri-lankais travaillant dans la boulangerie industrielle du village sont méchamment pris à partie et le conflit devient violent. S’agissant de langue, de religion, de couleur de peau ou de conflit historique (récent ou ancien), il est difficile de savoir qui a raison et si l’on est du bon côté…

Cristian Mungiu a reçu de nombreuses distinctions dans des festivals: le film 4 mois, 3 semaines, 2 jours, pour n’en citer qu’un, a remporté la Palme d’or au Festival de Cannes en 2007. Le cinéaste a souvent choisi et décrit des situations complexes dans lesquelles, par exemple, une simple idée d’un individu peut séduire (ou déranger) une foule entière et créer le tragique. En pareil cas, c’est alors à chaque spectateur du film de se positionner, de faire un choix libre et personnel, de porter un jugement sur ce qui se passe et de tenter de comprendre pourquoi les protagonistes ont agi ainsi.

Dans R.M.N. c’est une jeune femme, Csilla (Judith State), la directrice de la boulangerie, qui doit se battre contre les préjugés, le populisme et la désinformation qui entourent l’histoire centrale du film (celle des trois employés sri-lankais accusés de tous les maux). À côté d’elle on trouvera Matthias (Marin Grigore), un Roumain revenu d’Allemagne (où il était allé travailler) et que l’on découvre angoissé et assez mal dans sa peau.

Le film se termine sur un long plan-séquence de 17 minutes, particulièrement réussi, qui suit les discussions souvent houleuses de tous les villageois qui ont été convoqués dans la Salle des Fêtes municipale pour débattre de toutes ces questions. Lors de cette réunion, les affrontements sont violents, mais la mise en scène, particulièrement bien maîtrisée, est remarquable.

Les conflits ne manquent donc pas dans R.M.N. et si le village se révèle être ainsi un miroir du monde, on pourra peut-être regretter, c’est vrai, que le cinéaste, après avoir donné librement la parole à chacun et multiplié les points de vue, quitte le spectateur en le laissant tout seul porter un jugement sur les événements auxquels il vient d’assister…

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 18