L'Origine du mal

Affiche L'Origine du mal
Réalisé par Sébastien Marnier
Titre original L'Origine du mal
Pays de production France, Canada
Année 2022
Durée
Musique Pierre Lapointe
Genre Drame, Thriller
Distributeur CityClub de Pully
Acteurs Dominique Blanc, Jacques Weber, Laure Calamy, Suzanne Clément, Doria Tillier, Céleste Brunnquell
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 889

Critique

Qui ment et pourquoi? Si le film commence par une histoire banale d’une quadragénaire orpheline reprenant contact avec son père milliardaire, dans cet univers d’apparences qu’est celui de la bourgeoisie, nous sommes peu à peu forcés de remettre en question notre propre perception de cette histoire. Une réussite tant formelle que narrative.

Stéphane (Laure Calamy) est employée d’une conserverie, sa compagne (Suzanne Clément) est en prison. Elle ne la voit qu’occasionnellement et après que la condamnée ait manqué un de leur rare rendez-vous au parloir, elle prend son courage à deux mains pour contacter son père Serge (Jacques Weber) dont elle n’a jamais eu de nouvelles. Il l’invite dans son manoir sur l’île de Porquerolles où elle rencontre sa femme Louise (Dominique Blanc), leur domestique (Véronique Ruggia Saura), leur fille George (Doria Tillier) ainsi que leur petite-fille Jeanne (Céleste Brunnquell). C’est avec une mise en scène plutôt descriptive, presque romanesque, que nous sommes lancés dans le récit, mais très vite survient un malaise. D’une part, une musique ambiante qui subtilement sème le doute. D’autre part, un jeu d’acteur qui sonne «faux» et encore plus précisément le langage employé. Ce langage particulier, un peu trop formel, pourtant celui de la bourgeoisie, il suffit de fréquenter certains établissements comme la Fondation Louis Vuitton pour s’en rendre compte, peut-être alors compris comme un indice quant aux manipulations en cours. Nous passons soudain d’un régime d’identifications aux personnages à celui de l’enquête, nous enquêtons pour démêler le vrai du faux, un des topos principaux du bon thriller. Mais le film va plus loin: les manipulations de langage humain sont formalisées dans le langage cinématographique. Nous notons plusieurs éléments formels. Par exemple, très vite l’utilisation du split screen qui démultiplie les points de vue et ainsi remet en question le point de vue unique du début. S’ajoute à cela la musique de plus en plus malaisante, notamment par le passage d’instruments acoustiques comme le violon, associé au contexte bourgeois, à des instruments électroniques comme le synthétiseur, dont on connaît depuis John Carpenter le potentiel inquiétant. Ou encore à la citation en fin de films de scènes du début du film (la séquence d’arrivée en bateau, par exemple). Tous ces éléments explicitent une certaine manipulation des images qui fait non seulement écho à la manipulation par le langage des personnages du film, mais nous donnent également des indices pour comprendre les intentions des personnages. Il faut quand même dire que sans des acteurs de cette qualité, toutes ces ambiguïtés auraient eu beaucoup moins d’impact.

Enfin, un mot sur les représentations et en fait l’histoire. S’il est plaisant de voir comme personnage principal une femme lesbienne adulte, bien loin des représentations hollywoodiennes, il fait encore plus du bien de ne pas voir une intrigue qui ne soit pas centrée autour de ce seul fait (sans pour autant l’ignorer!) Avec ses rapports de genre ambigus et thématisés, dans le motif des mains qui se posent sur les corps, parfois rassurantes, parfois oppressantes, souvent les deux, ou encore dans la grandiose scène au tribunal, avec un corps juridique composé exclusivement de femmes, nous avons ici un film qui applique ce dont il discute, en somme qui montre plutôt que parle et surtout un film qui fait ce qu’il dit - autrement dit, une petite pépite.

Ani Gabrielyan

Ani Gabrielyan

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Nom Notes
Ani Gabrielyan 15