Ariaferma

Affiche Ariaferma
Réalisé par Leonardo Di Costanzo
Titre original Ariaferma
Pays de production Italie, Suisse, France
Année 2021
Durée
Genre Drame
Distributeur NOHA
Acteurs Silvio Orlando, Toni Servillo, Salvatore Striano, Fabrizio Ferracane
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 888

Critique

Osons le mot, ce nouveau film de Leonardo Di Costanzo (réalisateur de l'excellent L'Intervallo en 2012) est magnifique. Le cinéaste nous invite à une fable faite de respect, de solennité, d'entraide et de rapports humains en un lieu où, habituellement, on ne s'attend pas à des partages de ce type. Un très beau moment de cinéma, de regards, d'amitié, tout de délicatesse.


Dans une région montagneuse d'Italie, une prison vétuste vit ses derniers jours. Les cuisines sont fermées, l'électricité devient aléatoire, les membres de la direction ainsi que la majorité des détenus et des surveillants sont déjà partis ailleurs. Pour des raisons administratives, il reste une poignée de prisonniers qui n'ont pas encore pu être transférés. Il est donc demandé au surveillant le plus aguerri, Gargiulo (Toni Servillo), de rester quelques jours supplémentaires avec ces détenus, accompagné d'une équipe réduite de collègues. Gargiulo continue à faire appliquer les règles et la vie chronométrée de l'établissement dans des conditions étranges et, trouvera, en la personne de Carmine (Silvio Orlando), un homme arrivant au terme d'une très longue peine, un soutien inattendu et une oreille à la fois méfiante et bienveillante.


Rappelons que dans ses statuts, Ciné-Feuilles entend partager "un regard humaniste sur le monde". On est au centre de la cible avec Ariaferma. L'humanisme imprègne le film, sans qu'il soit heureusement naïf, mièvre ou donneur de leçons. Tant de choses passent dans les silences de ces hommes aux visages fermés et revenus de tout. Très intelligents, le scénario et la mise en scène installent, comme il se doit dans une prison, une tension dramatique évacuée par des procédés qui ne paraissent jamais téléphonés ou trop gros. On n'improvise pas dans ce lieu où tout est réglé comme une horloge, mais on s'adapte, on fait avec. Le rythme lent du récit plonge le spectateur au coeur des tensions et des bouffées d'air pur. Le cinéaste ne cherche pas à faire passer un message politique ou sociétal, les gardiens ne sont pas des brutes et les détenus des victimes, ni le contraire. Le message proposé est tout autre, beaucoup plus riche et complexe, comme la vie. Comme les vies de ces personnages.


Le film est interprété par une belle troupe d'acteurs. Interprétant le gardien-chef, tout en retenue avec sa fatigue et son investissement personnel, Toni Servillo (acteur et metteur en scène, vu notamment dans les films de Paolo Sorrentino et de Marco Bellocchio) est spectaculaire dans un rôle à contre-emploi des personnages exaltés et bavards qu'il a souvent interprétés. Silvio Orlando (familier des films de Nanni Moretti et rôle principal du Caïman) est lui aussi excellent. Toutefois, c'est évidemment le groupe constitué par ces hommes qui est important dans l'histoire, qui la porte et la magnifie. Aucun de ces personnages n'est jugé, mais ce sont leurs sentiments, leur intimité qui nous sont montrés en un lieu où, encore une fois, ces notions n'ont généralement que fort peu d'importance. De plus, le film n'est nullement déprimant ou manichéen. La joie intérieure et les sourires y sont régulièrement de mise. Leonardo Di Costanzo ne cherche pas à nous faire réfléchir, mais nous invite à ressentir, à partager, et ça marche. Un très beau film, tout simplement.


Philippe Thonney

Appréciations

Nom Notes
Philippe Thonney 18