Vous n'aurez pas ma haine

Affiche Vous n'aurez pas ma haine
Réalisé par Kilian Riedhof
Titre original Vous n'aurez pas ma haine
Pays de production Allemagne, France
Année 2022
Durée
Musique Peter Hinderthür
Genre Drame
Distributeur Praesens
Acteurs Christelle Cornil, Camélia Jordana, Pierre Deladonchamps, Zoé Iorio, Thomas Mustin, Anne Azoulay
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 888

Critique

Le 13 novembre 2015, Hélène Muyal-Leiris est abattue lors de l’attentat du Bataclan à Paris. « Vous n’aurez pas ma haine » est le titre d’une lettre ouverte de son mari, Antoine Leiris, publiée sur les réseaux sociaux, quelques jours après le meurtre de sa femme. Cette adaptation cinématographique remarquable est au plus proche des émotions provoquées par un tel bouleversement. Une vie banale, terrassée par la haine. 

 

Sept ans après la nuit d’horreur du 13 novembre 2015, et trois mois après la fin du procès des responsables encore en vie, trois films inspirés des attaques terroristes au Bataclan, au Stade de France et sur les terrasses parisiennes, sortent en salles. Avec toujours le même défi : raconter l’innommable, sans voyeurisme. Après « Novembre » (Cédric Jimenez) et « Revoir Paris » (Alice Winocour), le réalisateur allemand Kilian Riedhof empoigne cette tragédie et choisit de l’incarner en étant au plus proche de l’expérience traumatique des survivants. « Vous n’aurez pas ma haine » observe avec finesse le choc, le deuil et la reconstruction des proches des victimes. Comment surmonter la perte brutale d’un être aimé, sans sombrer dans la colère et le désespoir? Le texte original du journaliste français nous montre une autre voie possible : à la violence et la haine des terroristes, Antoine Leiris oppose l’amour qu’il porte à son jeune fils Melvil et à sa femme disparue.


L’amorce de « Vous n’aurez pas ma haine » est douce et lumineuse. Paris s’éveille. Un jeune couple de parents commencent leur journée et son lot de petites contrariétés. Un réveil capricieux, un doudou introuvable, et une inspiration littéraire fugace. Une fois la journée de travail terminée, Hélène (Camélia Jordana) rejoint un ami pour écouter un concert. Antoine (Pierre Deladonchamps) reste à la maison, avec leur fils, Melville (Zoé Iorio). Un quotidien singulier, insouciant, semblable à tant d’autres par sa banalité. Sauf que nous sommes le vendredi 13 novembre, et que ce soir-là, Hélène est allée au Bataclan. Tard dans la soirée, Antoine reçoit des messages alarmistes de son entourage, allume son poste de télévision. L’irruption des informations dans son foyer le confronte à la violente réalité. Les ténèbres font irruption dans sa vie.


S’ensuit la douloureuse tourmente de l’incertitude, l’horreur des détails médiatiques qui emplissent chaque recoin de leur appartement. Puis la sentence finale : Hélène est décédée sous les balles. L’incompréhension de leur fils Melvil, face à l’absence de sa maman. La perte, brutale, injuste et invraisemblable. Le quotidien qui se poursuit, malgré tout. La perte de repères, la vérité qui claque dans le regard empli d’incompréhension de leur fils, à la recherche de sa mère. La force de ce long-métrage réside dans la justesse de la relation entre ce père et son fils, deux rescapés, ballottés dans la douleur et l’absurdité de cette nouvelle réalité, de cette vie qui continue malgré tout. La photographie exprime avec subtilité cette perte de repère, et met en lumière les détails auxquels les personnages se raccrochent pour tenter de survivre. Que ce soit un plat de spaghettis, une douche chaude, et le rituel des lectures d’histoires avant la nuit ; toutes ces scènes de la vie quotidienne sont étoffées par l’attention portée à la texture de ce qui les entoure. Un plan sur un foulard effleurant la tête de Melvil, l’odeur des vêtements d’Hélène ou encore les regards échangés entre père et fils. Comme si le sentiment de l’absurde marqué par la perte et le deuil renforçait l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et la vue. Ces cinq sens sont essentiels, car nous relient à la vie et nous permettent de percevoir le monde qui nous entoure. Ce récit tout en pudeur parvient à incarner et humaniser cette tragédie qui a ébranlé toute la France, et l’Europe, en singularisant un traumatisme collectif par une expérience de deuil individuelle.

Noémie Desarzens

Appréciations

Nom Notes
Noémie Desarzens 16